TPBM : Comment voyez-vous l'évolution de la profession ?
Mireille Durand-Gueriot : Beaucoup de choses démotivent les notaires. J'ai essayé de maintenir une certaine cohésion dans la profession, de faire en sorte que mes confrères ne perdent pas espoir. L'objectif est de conserver ce métier qui est si beau et passionnant et ce service que nous devons au public et qui me paraît si utile. Il faut aussi maintenir cette solidarité qui fait le ciment de notre profession. Il s'agit d'objectifs presque théoriques mais on doit revenir à ces fondamentaux.
Comment se porte la profession dans la région ?
Je ne vais pas vous faire pleurer. On ne pleure jamais sur les notaires. La profession ne se porte pas forcément mal, parce qu'il y a une activité assez intense. La baisse des taux d'intérêt fait qu'il y a des transactions. Ce nombre d'actes camoufle la baisse du prix du tarif à l'acte qui a quand même diminué. Il camoufle aussi la baisse du tarif depuis le mois de mai. Aujourd'hui, ça va encore. Ceci étant, cette bonne santé n'est pas homogène sur la cour d'appel. Le nouveau tarif impacte, en particulier, les études qui font de tout petits actes. Quand la proportion de ces actes est importante, cela met en péril l'équilibre économique des études. Il faut savoir que les petits actes sont rémunérés à 90 euros. Quatre-vingt-dix euros quand vous y passez entre 10 et 20 heures, ce n'est pas possible. On a aussi une forte inquiétude sur la bonne couverture territoriale de la profession. Les notaires vont pouvoir se déplacer librement dans une même zone. Les notaires des zones rurales vont aller vers des zones plus urbaines ou touristiques, pour des raisons économiques. Le danger est d'avoir des déserts notariaux, surtout dans les départements alpins.
Le Conseil national du notariat va lancer un site Internet grand public. A quoi va-t-il servir ?
Ce site devrait voir le jour en 2017. Il va permettre à tout un chacun, à partir de son ordinateur, de pouvoir avoir des renseignements pour vendre, acheter, adopter, transmettre. Il permettra aussi de faire des actes simples sur Internet, comme un bail. Je crois que ça va surtout diriger les internautes vers le notaire. Il ne faut pas perdre de vue que les actes faits par les notaires sont des actes graves : acheter une maison, c'est parfois le geste d'une vie, transmettre son patrimoine, ce n'est pas neutre, créer une société non plus. Ce sont des actes qui méritent que l'on prenne le temps. Dans les instances notariales, on a un rôle de communication à jouer. Ce que l'on fait chez un notaire, ce n'est pas neutre. Il faut prendre le temps de la réflexion. C'est le fond de notre métier. Il faut que l'on arrive à se poser et aider nos clients à réfléchir, pour prendre la bonne décision. Même si la société et Internet appellent à aller vite… C'est notre rôle de conseil qui est primordial. En posant des questions à nos clients, il y a alors une prise de conscience que les choses sont plus compliquées. On a un rôle très important à jouer. On le jouera d'autant mieux que l'on doit prendre conscience de notre rôle de service public. Le notaire n'est pas là seulement pour faire des actes, mais pour éclairer et conseiller ses clients. Il faut que l'on conserve les moyens de l'exercer. Que malgré Macron et la baisse du tarif, on puisse continuer à exercer cette spécificité de notre métier.
Quel est votre objectif pour les prochains mois ?
Mon objectif est de maintenir la cohésion de la profession dans les prochains mois, de maintenir un service public de qualité, de continuer à respecter notre déontologie. C'est en ce sens que l'on est inquiet. Générer de la concurrence entre notaires, via les règles d'installation qui changent et les tarifs qui pourront être différents, même s'ils restent encadrés, peut changer l'état d'esprit de la formation. L'inter-professionnalité, qui est un des aspects de la loi Macron, va nous inciter à créer des structures commerciales qui ne constituent pas forcément notre ADN. Certains notaires qui avaient cet état d'esprit de développement commercial, pouvaient le faire. Aujourd'hui, on incite tout un chacun à le faire. C'est un petit peu perturbant. On ne sait pas comment les notaires vont réagir.
L'inter-professionnalité elle-même pose des questions entre des professions qui n'ont pas les mêmes déontologies, les mêmes comptabilités, les mêmes obligations professionnelles. A quoi cela va-t-il servir ? Notamment pour le client ? On n'avait pas besoin d'être associés à travers une entreprise commune pour travailler avec un avocat ou un expert-comptable.
L'intégralité de l'interview est à lire dans le numéro 1168 de TPBM (parution le 8/02/2017). Cliquez ici pour plus de renseignements sur nos offres d'abonnement.