Les architectes, comme les journalistes parfois, savent faire œuvre aussi de patience. Et il en faudra sans nul doute beaucoup à Jean-LouisDuchier et NicolasPietra, les dirigeants de l'agence d'architecture d+p basée à Toulon, et eux-mêmes le reconnaissent, avant de voir la sculpturale tour de contrôle qu'ils ont dessinée, s'élever au-dessus du futur aéroport de Notre-Dame-des Landes !
Spécialistes en effet, notamment des constructions aéroportuaires et bâtiments de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC)*, et des équipements techniques (Step**, hôpitaux…) en général, les deux associés du cabinet toulonnais qui travaillent ensemble depuis plus de quinze ans, ont heureusement suffisamment à faire par ailleurs pour ne pas avoir à attendre. Et en bon « voileux » à ses heures qui se respecte, Nicolas Pietra, Varois natif de Sanary-sur-Mer, doit également savoir, n'en doutons pas, qu'une allure de croisière soutenue vaut toujours mieux qu'alternance de tempêtes et accalmies.
Depuis toujours, cette agence, plus précisément basée à La Garde, près de Toulon, et qui emploie une dizaine de personnes, réalise ainsi un chiffre d'affaires relativement constant. Ce qui, dans le monde de l'architecture, n'est pas le plus aisé, surtout si l'on opère comme eux beaucoup dans celui de la commande publique. Terminant en ce moment l'extension*** d'un autre aéroport, existant celui-là, à Beauvais (Oise), les deux associés à qui l'on doit par exemple le théâtre Liberté, à Toulon, ainsi que le Zénith Omega de cette même ville, se montrent pareillement pointus dans le registre des édifices culturels. Dans ce genre, après avoir récemment livré une médiathèque à partir d'une ancienne usine de térébenthine, à Septèmes-les-Vallons, dans les Bouches-du-Rhône, les deux architectes toulonnais transforment actuellement en théâtre et salle de spectacle vivant, la grande nef rescapée de l'ancienne chaudronnerie des chantiers navals de La Ciotat.
Un théâtre ouvert sur la ville
Destinée à remplacer un théâtre (du Golfe) qui va être détruit pour laisser la place à un hôtel, il s'agit d'une réalisation emblématique, ils en ont bien conscience, car concernant « l'un des derniers vestiges d'un passé toujours fortement ancré dans le paysage local », expliquent-ils à propos de ce chantier qui avance à grands pas. Sur place, le gros œuvre étant achevé, ainsi que la couverture, on devine déjà très largement ce qu'il va advenir de cette ancienne grande halle industrielle conservée au mieux, et en particulier ses grandes arcades en façade, voire restituée comme c'est le cas de sa charpente métallique de type Eiffel.
« Pour loger la salle de spectacle de 500 places dotée d'une scène à plat comme c'est aujourd'hui la tendance, ce qui était impossible dans la longueur, il a fallu reconstruire une demi-nef parallèlement à celle-ci qui a été heureusement préservée, détaillent les concepteurs. Car à l'origine, racontent-ils, elles étaient trois nefs de ce type, construites côte à côte. »
L'ancienne halle de chaudronnerie, un des derniers vestiges des chantiers navals en cours de transformation. (Photo J. P. Pierrat)
D'aspect résolument industriel et contemporain, cette nouvelle demi-halle accolée à l'historique est entièrement en zinc. Cette solution a également permis aux auteurs de disposer le foyer en déambulatoire et sous les gradins, tout au long intérieur de l'édifice, et d'ouvrir ainsi largement ce dernier sur la rue et la ville. Enfin, elle leur a offert la possibilité de dégager, à l'une des extrémités de l'ancienne halle, à la fois un parvis et un passage public couverts situés à l'entrée du théâtre. Ce qui pourra servir d'extension extérieure pour des animations par exemple. Comprenant également une salle de répétition (200 places), loges, bureaux, mezzanine, etc., l'équipement de 2 500 m2****, dont la livraison est prévue cet été, aura également le mérite, dans le prolongement du collège et de l'IUT (Institut universitaire de technologie), de venir animer cet arrière-port du centre-ville désormais largement remanié et où les nouvelles résidences de logements collectifs ont poussé.
* A Nice notamment où ils ont signé sur le tarmac la DGAC et le centre de secours des pompiers.
** Station d'épuration.
*** Bâtiment de la DGAC et tour de contrôle.
**** Coût de l'opération : près de 9 M€ financés par le conseil départemental (4 M€), la ville de La Ciotat (3,9 M€), maître d'ouvrage avec Soleam (Société locale d'équipement et d'aménagement de l'aire marseillaise) pour mandataire, et le conseil régional (1 M€).