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Aix-Marseille Provence

Quels défis attendent le Scot métropolitain ?

Comment fabriquer un Schéma de cohérence territoriale (Scot) ? Alors qu'elle vient d'engager l'élaboration de son Scot, la métropole Aix-Marseille Provence a passé au crible l'expérience des autres métropoles de l'Hexagone lors d'un atelier méthodologique mi-février.
Le Scot métropolitain sera l'occasion de prendre conscience de l'attractivité du territoire portée par des locomotives telles que le port, l'aéroport ou les industries de pointe.
DR - Le Scot métropolitain sera l'occasion de prendre conscience de l'attractivité du territoire portée par des locomotives telles que le port, l'aéroport ou les industries de pointe.

TerritoiresBouches-du-Rhône Publié le ,

En marge du transfert de la gestion de la compétence urbanisme (voir infographie), la métropole Aix-Marseille Provence (AMP) a lancé l'élaboration de son futur Schéma de cohérence territoriale (Scot).

Mais avant de poursuivre sur le Scot, qui ne fait pas partie de ce transfert de compétences, petit rappel des nouvelles attributions d'AMP en matière d'urbanisme.

Ce chantier de longue haleine (5 ans) a été confié fin 2017 à une équipe d'assistance à maîtrise d'ouvrage pilotée par l'agence de l'urbaniste parisien Christian Devillers (Devillers & associés). Le 16 février, les membres du groupement de maîtrise d'œuvre* et les techniciens de la collectivité ont tenté de poser les premiers jalons de cette stratégie territoriale lors d'un atelier méthodologique à Marseille. Pour l'occasion, ils avaient convié les représentants d'autres agglomérations (Bordeaux, Lyon, Grenoble, Toulouse, Montpellier) ayant planché sur un Scot à grande échelle.

Si à Lyon la tradition planificatrice existe depuis les années 60, ancrée dans un contexte politique apaisé, dans d'autres métropoles la mise en œuvre du Scot présente quelques similitudes avec le cas aixo-marseillais. A Montpellier, où comme à Marseille la coopération intercommunale n'a véritablement pris son essor qu'au début des années 2000 avec la loi Chevènement, le Scot adopté en 2006 n'est pas sans rappeler celui de l'ex-communauté urbaine Marseille Provence Métropole. « Ce Scot a été établi à la seule échelle de la communauté d'agglomération de Montpellier qui ne représente qu'un tiers de l'aire urbaine de la capitale languedocienne », avance Nicolas Roubieu, directeur de Mission espace public à la métropole de Montpellier. Ce document répondait à une forme d'urgence : « Maîtriser un développement urbain effréné qui avait largement débordé les cadres initialement fixés par un projet de ville d'essence municipale. »

De cinq Scot à un Scot métropolitain

Dans l'aire d'Aix-Marseille, l'élaboration du Scot métropolitain ne partira pas de zéro. « Le territoire d'AMP est couvert par cinq Scot », observe Marie Evo, directrice du pôle Territoires et mobilité chez Devillers & associés. Cette mosaïque devra trouver sa place au sein du nouveau document. « Ce sera le premier Scot de cette dimension avec près de 1,9 million d'habitants », rappelle l'urbaniste. Une taille XXL qui impliquera de la souplesse :

« L'outil devra évoluer, être adapté à l'aune de la construction du projet métropolitain », ajoute-t-elle.

Cette agilité devra évidemment intégrer les grands enjeux transversaux qui irriguent tout le territoire, conditionnant son attractivité : « La périurbanisation, l'accueil de populations, la pression foncière, l'articulation transports/aménagement… », égrène Marie Evo. Autant de sujets aujourd'hui mal appréhendés par les politiques publiques, faute d'être abordés à la grande échelle. « Le Scot métropolitain sera l'occasion pour les acteurs locaux d'apprendre à travailler ensemble. » Et aussi de prendre conscience de l'attractivité du territoire portée par des locomotives : le port, l'aéroport, les industries de pointe, Cadarache et Iter…

Pour Alain Bourdin, le socle de la réflexion d'un Scot est l'organisation de la vie quotidienne des habitants. Une base qui ne se résume pas à la seule dimension du travail « mais aussi à l'activité scolaire, à la consommation, aux loisirs, à la vie sociale… », autant de domaines qui impactent les déplacements, l'usage des équipements, les attentes de la population… Et cet urbaniste-sociologue de lister les trois échelles constitutives des modes de vie contemporains : « celle de la proximité », structurée autour de micro-centralités, « celle du bassin de vie », plus complexe car plus variable, structurée autour d'un réseau de centralités intermédiaires où l'individu satisfait ses besoins quotidiens, et enfin « l'échelle de la destination », les lieux où l'on va d'abord pour le plaisir : les centres commerciaux, les multiplexes, les bases de loisirs…

Défis

Dans ce schéma tridimensionnel, les urbanistes doivent se coltiner de nombreux trous noirs. Jérôme Dubois pointe par exemple « l'absence de représentation des déplacements domicile-travail au sein de la métropole AMP ». Une carence qui plaide selon lui en faveur d'« une grande enquête statistique » permettant de cartographier les besoins de mobilité pendulaire. Autre défi : la fabrique de pôles de centralité. « Les gares se prêtent au développement de centralités. Mais on ne sait pas très bien comment s'y prendre », note Marie Evo.

Dernier écueil : le territoire d'AMP n'est pas structuré dans un schéma centre-périphérie. De La Ciotat à Port-Saint-Louis-du-Rhône et de Saint-Paul-lès-Durance à Eyguières, l'espace est multipolarisé. « Il reste des territoires enclavés en manque d'attractivité », constate Marie Evo. Autant de zones blanches que le Scot devra connecter à la dynamique métropolitaine. Pas le moindre des défis.

* Le groupement associant l'agence Devillers & associés (mandataire), l'urbaniste Jérôme Dubois, les agences EAU (Economie aménagement urbanisme) et Institutions & projets.
** Etablissement public de coopération intercommunale.

L'exemple grenoblois

A Grenoble, c'est moins l'antériorité de la coopération intercommunale que la dimension du territoire qui rapproche la capitale dauphinoise de Marseille. Le Scot de la grande région de Grenoble, qui a pris la suite du SDAU (Schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme) mis en place dès 1973, se déploie sur un territoire de 3 800 km2, plus vaste que celui d'AMP (3 173 km2), qui agrège sept EPCI** et trois fois plus de communes (283 contre 92 pour AMP). Comme autour d'Aix-Marseille, la géographie est contrastée, alternance de zones de montagne et d'une armature urbaine structurée autour du cœur d'agglomération de Grenoble. Même si la métropole iséroise avait une longue tradition de coopération intercommunale, « les concepteurs du Scot ont dû désamorcer les réticences initiales soupçonnant le document planificateur d'être purement formel, sans prise sur les grands choix d'aménagement, voire, pire, d'être un outil au service des visées hégémoniques de la ville centre », explique Philippe Auger, directeur de l'établissement public du Scot de la grande région de Grenoble. Ces préventions ont impliqué un temps long de co-construction, de 2008 à 2012, associant portage politique et technique.

Six ans après la mise en place du Scot, voici venu le temps de l'évaluation. Sur bien des aspects, le document a atteint ses objectifs : l'armature urbaine s'est solidifiée, la consommation d'espaces agricoles et naturels s'est ralentie, le rythme de production de logements a augmenté… Mais des points de fragilité demeurent en matière de coopération économique, d'urbanisme commercial ou de déplacements métropolitains… Ce bilan en clair-obscur interpelle :

« L'évaluation doit-elle entretenir un climat d'impuissance à l'égard des outils Scot ou au contraire faire apparaître les points forts qui existent y compris dans le cadre réglementaire actuel, mesurer les lacunes et aussi s'interroger sur la capacité à mettre en œuvre les orientations ? », interroge Philippe Auger.

Verre à moitié vide ou à moitié plein ? « Faut-il d'abord réviser le contenu du document ou plutôt revoir les modalités de sa mise en œuvre ? C'est le grand débat à venir auquel les nouveaux Scot seront confrontés. »

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