TPBM : Qu’est-ce qui a fondamentalement changé en 30 ans ?
Philippe Donat : La technologie de construction a profondément changé, dans le gros œuvre qui est mon activité de base, comme dans les autres corps de métier, ce qui a permis conjointement une pénibilité moindre, une accessibilité à un public plus large. Cela nécessite aussi de s’adapter plus fréquemment. Concernant l’évolution de la réglementation, technique, environnementale, sur la sécurité, la santé, le juridique devenu indispensable, y compris là où la parole de l’homme suffisait naguère… Le changement est permanent, occasionnant un poids de charges et de lourdeurs administratives deux à trois fois plus important. Cela pèse indéniablement sur la rentabilité de l’entreprise, sur sa capacité à créer de l’emploi et des richesses économiques.
L’environnement économique, justement, a connu aussi de nombreux bouleversements à la faveur de trois crises. Celle du début des années 80, puis d’une partie de la décennie suivante à partir de 1992 avec la France en récession, puis celle arrivée en 2008. Si la dernière paraît beaucoup plus longue et plus complexe, c’est peut-être parce que nous vivons un changement de modèle. Ceux qui ne se sont pas adaptés ces cinq dernières années ne pourront pas s’en sortir comme les fois précédentes. Il y a beaucoup de peaux de bananes qui viennent se greffer à la conjoncture avec des effets démultiplicateurs, comme le phénomène de plus en plus répandu malheureusement de travailleurs étrangers détachés. La concurrence est rude, la fédération veille à ce qu’elle ne soit pas déloyale.
Comment voyez-vous l’avenir ?
Attention que demain ne soit pas low cost pour tous et de ne pas « uberiser »* le BTP. Je suis un optimiste par nature, mais je reste prudent. Un certain nombre de feux sont à l’orange et tendent vers le vert, que ce soit dans les nouvelles mesures nationales ou concernant l’état d’esprit très positif que je ressens chez les jeunes en apprentissage au CFA**. Tant mieux, soyons vigilants et, dès que nous le pouvons, soyons force de propositions pour améliorer l’avenir, car les dégâts ont été importants dans le secteur. Les disparitions en 3-4 ans d’entreprises et de plus de 3.500 emplois correspondent à ce que nous avions gagné durant la belle décennie 2000. A l’avenir, je crains que nous ne connaissions plus ce type de surchauffe, ce sera plus lent, plus progressif à la hausse, en espérant que le rythme sera aussi celui-là lors de rechutes.
Pour demain se profile aussi un enjeu majeur de transmission de nos entreprises que nous devons préparer et qui n’est pas évident compte tenu des difficultés, parmi lesquelles la baisse de la commande publique. Comme il faut évoluer avec son temps, nous devons nous adapter encore et toujours aux évolutions, à l’image du BIM***, à savoir la modélisation des données de l’ensemble de la chaîne de bâtir lors d’une construction, qui est plutôt une révolution. Au-delà de ces considérations, sur les chantiers, l’élément qui doit rester en fil rouge de nos préoccupations est la sécurité des personnes. C’est un combat permanent de chacun et de la Fédération. Enfin, comme disait mon père : l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt…
* Modifier un marché ou un domaine en prenant Uber comme exemple
** Centre de formation d’apprentis
*** Building Information Model (en français Modélisation des informations du bâtiment)
L'intégralité de cette interview est à lire dans le numéro 1111 de TPBM (parution le 6/01/2016)