Une feuille de route partenariale pour promouvoir la frugalité foncière. 22 ans après la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU), l’enjeu de la réduction de la voracité foncière charpente le partenariat triennal paraphé le 12 mai par le préfet de région, Christophe Mirmand et la conseillère régionale qui préside l’agence régionale pour la biodiversité et l’environnement de Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARBE), Anne Claudius-Petit ainsi qu'une pléiade d’acteurs impliqués dans l’aménagement du territoire*.
Remise en scène par la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 qui a fixé un objectif de zéro artificialisation nette (Zan) à l’horizon 2050, la fin de la consommation d’espaces naturels et agricoles aura-t-elle sonné dans trente ans ? L’expérience de la loi SRU est là pour instiller une petite dose de doute. « Lors des dix dernières années, 14 000 hectares d’espaces vierges ont été consommés dans la région. Avec la loi Climat, il faudra réduire ce chiffre de moitié d’ici 2030 avant de parvenir à zéro en 2050 », rappelle Christophe Mirmand. Si l’ambition est en phase avec les enjeux de lutte contre le réchauffement climatique, elle percute de plein fouet d’autres enjeux cruciaux comme l’urgence de donner un toit à tous les habitants. Un besoin que l’enfer vécu par les résidents du parc Kallisté vient encore de souligner à l’encre rouge.
Christophe Mirmand : "L’accès au logement est un enjeu d’attractivité et de cohésion sociale"
« Le Zan ne doit pas devenir un alibi pour ne pas envisager la mise en œuvre de projets d’habitat et de développement économique : la région manque de logements et notamment de logements sociaux. Et l’écart entre l’offre et la demande continue de se creuser avec la persistance de situations de mal logement », analyse le préfet. Dans le champ économique, « le plan de relance invite à redynamiser le tissu productif. Si elle interroge le paradigme de la croissance, la sobriété foncière n’en est pas pour autant un modèle de décroissance. »
Injonctions paradoxales
La feuille de route tente donc de définir une voie étroite serpentant entre ces impératifs écologiques et socio-économiques. Des injonctions paradoxales auxquelles l’Etat lui-même doit répondre à la fois en tant qu’aménageur, comme sur la zone industrialo-portuaire de Fos, et en tant que garant de la mise en oeuvre des textes. « L’Etat est parfois schizophrène », reconnaît Christophe Mirmand. « Le Zan interroge nos paradigmes et invite à réviser nos méthodes d’aménagement territorial », poursuit le représentant de l’Etat.
« La loi Climat, c’est un peu la loi SRU à la sauce du sol... Elle accompagne un changement profond de nos pratiques en nous incitant à concilier densité et désir d’habiter », image Patrick Faucher, président de la chambre régionale de l’union nationale des aménageurs (UNAM). Cette évolution, l’Etat et ses bras techniques (Ademe, Cerema, EPF) la soutiennent par une myriade de dispositifs et autres outils comme les fonds friches ou les appels à manifestation d’intérêt (AMI) "Vers des territoires zéro artificialisation nette".
En 2021, 40 opérations de la région ont été lauréates des deux appels à projet nationaux sur le recyclage foncier. « Ces projets de revitalisation de friches qui représentent un gisement de 4 000 logements (dont 1 500 HLM) et la création et/ou le maintien de 2 000 emplois ont bénéficié d’une enveloppe de subventions de 45 M€ avec à la clef 550 M€ d’investissements », a indiqué le préfet.
Radiographie du territoire
4 000 logements, cela représente 14 % de la production annuelle de résidences principales (29 000) permettant de répondre aux besoins dans la région Paca selon l’Insee. L’écart reste donc important. Pour accélérer, Christophe Mirmand en appelle à « une politique volontariste de renouvellement urbain et de reconversion de friches ». Un coup de collier qui commence par l’inscription de la sobriété dans les grands documents de planification. Premier d’entre eux, le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) qui s’impose aux documents d’urbanisme (inter)communaux est en cours de révision. « L’objectif est de l’adapter à l’ambition de sobriété renforcée de la loi Climat et Résilience », affirme Anne Claudius-Petit.
Marseille : la Ville veut changer de mise en PLUi suite...
A l’échelon inférieur, la frugalité doit se décliner dans les schémas de cohérence territoriaux (Scot) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). Autant de documents dont le volet foncier constituait justement le talon d’Achille. Pour accompagner les collectivités dans la mise en œuvre de ces documents, les services de l’Etat et les agences d’urbanisme déploient de nouveaux instruments. Des outils qui ont pour dénominateur commun la connaissance du gisement de terrains à l’instar d’Urbansimul, serveur proposant une radiographie en trois dimensions du territoire. Cette plateforme, mise en place par le Cerema avec l’institut national de la recherche agronomique environnementale (INRAE) et la Région, collecte une myriade d’informations géographiques et foncières disponibles sur les quelques 5 millions de parcelles cadastrales en Paca. Un inventaire qui permet d’identifier les dents creuses, friches et autres délaissés propices à la réalisation d’opérations de renouvellement urbain.
L’économie en quête d’intensité
En matière économique, le développement ne rime plus avec expansion périurbaine. Ce modèle extensif qui a vu fleurir des centaines de zones d’activités et autres pôles commerciaux en périphérie des agglomérations semble révolu. L’heure est au remembrement foncier et à la lutte contre la vacance. Avec en ligne de mire la requalification de ces zones symboles du voiturbanisme et du foncier facile. Et l’introduction d’une mixité fonctionnelle. Projet que de nombreux édiles regardent encore avec défiance...
Vingt ans après le cri d’alarme de Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs... », ces réticences renvoient à un autre siècle. « Développer, ce n’est pas consommer. Il faut faire preuve d’imagination... », lance Christophe Mirmand.
* Les signataires de la feuille de route sont : les services déconcentrés de l’État (DREAL, DRAAF, DDT), ses opérateurs (Ademe, agence de l’eau), le conseil régional, l’Établissement public foncier, la SAFER, les agences d’urbanisme de la région, le Cerema, le réseau des CCI, la chambre régionale de l’union nationale des aménageurs (UNAM) et l’ARBE.