TPBM : Quid de la mobilisation toulonnaise ?
Océane Balmitgère* : Le barreau de Toulon est mobilisé depuis l'automne avec une montée en puissance importante puisque nous avons été l'un des premiers de France à voter, via le Conseil de l'Ordre, la grève générale, touchant à la fois toutes les audiences et toutes les désignations. Depuis le 3 mars, la grève est devenue perlée de façon illimitée, à raison d'un jour par semaine. L'Union des jeunes avocats pense que le maintien de la grève générale est certainement plus impactant mais ce n'était plus tenable économiquement parlant. Surtout pour les petits cabinets, ceux-là mêmes qui sont les plus en danger de disparition au regard de la loi que nous contestons, en particulier par l'augmentation des cotisations. Cette situation est un comble d'injustice.
Quel impact craignez-vous, justement, sur les plus petits cabinets ?
Au-delà du fait que notre caisse de retraite est bénéficiaire et reverse déjà aux autres régimes, nous garantissons une retraite de base autofinancée, on nous demande de passer jusqu'à 28% de cotisations pour certains, contre 14% aujourd'hui, avec un effet négatif sur le niveau de pension ! C'est considérable ! Un petit cabinet qui débute aura le plus grand mal à s'en sortir, sachant que la solution ne se trouvera pas forcément non plus dans la fonction de collaborateur, qui va conjointement se réduire pour les mêmes raisons d'économie. Quant aux justiciables, ils seront inévitablement aussi touchés par ce nouveau modèle économique à trouver. Bref, le gouvernement, par ce texte, sous couvert d'universalité, se rend coupable d'une rupture d'égalité envers notre profession, avec des conséquences en chaîne…
Les jeunes avocats, que vous représentez à travers l'UJA, font partie de cet écosystème. Dans quel état d'esprit ?
Celles et ceux qui ont prêté serment en janvier n'ont pas plaidé un seul dossier depuis ! Ils sont en première ligne. Toutes les générations sont solidaires et s'accordent à dire que cette réforme porte atteinte à l'avenir de la profession. 100% des barreaux en grève, c'est sans précédent. Dans celui de Paris, il n'y avait pas eu d'assemblée générale extraordinaire depuis 1990. Nombre de magistrats et greffiers nous apportent amicalement leur soutien. C'est apprécié. Tout ceci et bien d'autres témoignages solidaires, y compris des citoyens que nous côtoyons dans l'exercice de notre métier ou que nous croisons lors des manifestations, participent à la belle unité que découvrent les nouveaux. Nous leur disons que c'est cela aussi la profession d'avocat. A défaut de plaider il faut qu'ils aient confiance dans la robe qu'il porte, dans ce qu'il représente, dans la passion qui les anime et sans laquelle il est difficile de bien exercer. Cela étant, un tel contexte pour débuter, qui plus est en même que la nouvelle réforme procédurale, n'est pas un cadeau. Sans oublier les inquiétudes légitimes des élèves avocats. L'enjeu mérite largement un tel combat !
* Océane Balmitgère terminera en début d'été son mandat de 2 ans à la présidence de l'Union des Jeunes Avocats de Toulon, dont elle est membre active depuis 6 ans.
NDLR : interview réalisée avant le confinement. Nous avons tout de même décidé de la publier.