AccueilUrbanismeMarseille : Logirem reconstruit la ville sur la ville à la Porte d’Aix

Marseille : Logirem reconstruit la ville sur la ville à la Porte d’Aix

Logirem vient d'organiser une visite du chantier de renouvellement urbain de l’îlot Fiacres-Bon Pasteur à la porte d’Aix. Le projet d’un montant de 36,3 millions d’euros illustre toute la complexité de ce type de programme de régénération urbaine.
Le projet global de Logirem concerne la revitalisation d’un ensemble d’immeubles vétustes.
William Allaire - Le projet global de Logirem concerne la revitalisation d’un ensemble d’immeubles vétustes.

UrbanismeBouches-du-Rhône Publié le ,

Reconstruire la ville sur la ville. Une vieille idée remise en scène par la loi Climat et Résilience. Mais qui demande du temps. Beaucoup de temps. Et de l’argent. Beaucoup aussi. Sans oublier une fine expertise technique de la (re)construction dans le tissu existant. Cette complexité on en trouve une belle illustration au cœur d’un îlot décati près de la Porte d’Aix. Depuis un an, juste devant la bouche d’accès à la station de métro Jules Guesde, l’entreprise sociale pour l’habitat (ESH) Logirem pilote un chantier mêlant la chirurgie lourde de la démolition-reconstruction et travail dans la dentelle urbaine à coup de restauration patrimoniale. Le 23 septembre 2022, l’organisme marseillais et sa directrice générale Fabienne Abecassis avaient convié presse, élus et partenaires à visiter l’appartement témoin de la résidence Fiacre, première pièce de l’opération de renouvellement urbain déployée sur l’îlot Fiacres-Bon Pasteur, vestige de cet ancien quartier de faubourg du XVIIIe siècle qui agrégeait dans une maille serrée habitat et locaux industrialo-portuaires.

Marseille : l’îlot Fiacres-Bon Pasteur entame (enfin) sa cure de jouvence

Chantier dans la dentelle urbaine

Freinés par un recours judiciaire d’un propriétaire dont l’immeuble avait été frappé d’un arrêté de péril en 2019, les travaux ont enfin pu démarrer à l’automne 2021 sur le flanc septentrional de l’îlot, côté rues des Fiacres/Duverger. Après un minutieux travail de déconstruction et de sécurisation déployé par la ville de Marseille et le bailleur, Mediane (Spie Batignolles) et Falduto, les deux entreprises chargées du gros œuvre, ont attaqué le minutieux chantier de (re)construction de cette pièce urbaine composite. Cette cure de jouvence orchestrée par l’agence 8 et demi doit permettre de recréer 26 logements sociaux bioclimatiques (du T2 au T4 pour 1 561 m2 de Shab) pour le printemps 2023 : 17 logements (7 Plus et 10 Plai) dans un immeuble neuf affichant la performance RT 2012 – 35 % et 9 logements (Plai) dans un écrin restauré (BBC Effinergie).

Les chambres spacieuses avec rangements. (Crédit : William Allaire)

Les rez-de-chaussée accueilleront des locaux associatifs et des commerces (171 m2). L’appartement témoin aménagé dans l’écrin intégralement réhabilité coté rue des Fiacres permet de visualiser la qualité de l’œuvre régénératrice. Avec ses 60 m2 de surface, ce 3 pièces lumineux déroge aux standards chausse-pied de la production immobilière. Deux chambres spacieuses avec rangements, une salle d’eau avec fenêtre et un séjour-cuisine qui font oublier que le nid douillet est niché dans un bâtiment qui a plus de deux siècles.

Fabienne Abecassis rempile à la direction de Logirem

Derrière l’enveloppe, une rénovation exemplaire

« On a juste conservé l’enveloppe du bâti. Tous les planchers ont été enlevés », explique Emmanuel Leroy, chef de projet chez Logirem. Les architectes ont investi l’intérieur de cette immense cathédrale vide en recréant neuf appartements reprenant l’âme historique du lieu avec des matériaux contemporains bio-sourcés. Du vieux avec du neuf en somme... réalisé sous l’œil vigilant de l’architecte des bâtiments de France (ABF). « On a par exemple conservé les voûtes au dernier niveau et remis en scène les éléments architecturaux remarquables comme le soubassement, les modénatures, les corniches et autre encadrements de baie en pierre », précise le cadre de Logirem. Le défi était aussi dans la mise en œuvre : « Les dalles des planchers ont été coulées en place avec les butons installés pour sécuriser le bâti. Une fois la nouvelle structure déployée, ces derniers ont été dégagés avec soin, en les découpant morceau par morceau ». Autre défi : l’obligation de respecter les normes du neuf pour un projet de réhabilitation. « Dans une opération d’acquisition-amélioration, vous devez respecter les normes d’accessibilité aux personnes à mobilité réduite (PMR). C’est une gageure dans un édifice érigé au XIXe siècle », soupire Emmanuel Leroy.

Du neuf à côté de l’ancien

La résidence neuve qui pousse à l’angle des rues de la Joliette, des Fiacres et Duverger s’insère discrètement dans la trame étroite du quartier. La greffe se déploie sur cinq niveaux juste en face d’une résidence gérée par CDC Habitat. Le parti architectural, résolument contemporain, torpille l’impression de densité. Loggias et terrasses créent une respiration salutaire dans cet immeuble inscrit dans une ruelle où la lumière s’insinue par intermittence. La majorité des 17 logements (T2 au T4) sont traversants. Enfin, le bâtiment permet de reconstituer l’angle urbain des rues de la Joliette et des Fiacres.

Une facture de 4 000 euros/m2

Ce travail de dentelière a évidemment un coût. « Dans l’ancien rénové, le prix de revient est de 4 000 euros le mètre carré, soit une moyenne de 350 000 euros par logement. Dans le neuf, le prix est de 3 000 euros le mètre carré, soit une moyenne de 225 000 euros par logement », précise Fabienne Abecassis. Des tarifs bien éloignés des standards du logement social. Car les loyers seront bien ceux du monde HLM : « Le loyer du T6 au dernier étage de l’immeuble ancien se montera à 575 euros quand celui d’un T4 dans le neuf sera de 414 euros », avance la directrice de Logirem.

Un devis qui a flambé

L’équation financière aura été autant voire plus complexe à résoudre que les enjeux de préservation du patrimoine. Car l’opération de régénération de l’îlot Fiacres-Bon Pasteur aura mis du temps à voir la lumière. Fin 2018, après avoir acheté la quasi totalité du bâti auprès de l’établissement public Euroméditerranée (Epaem), Logirem pensait être en mesure de lancer rapidement les travaux. Las. Le 19 juin 2019, un arrêté ordonne l’évacuation de l’immeuble du 6 rue de la Butte ainsi que de l’immeuble situé de l’autre côté de la rue de la Joliette. Ces immeubles n’appartenaient pas à Logirem. Celui du 6 rue de la Butte était l'un des seuls restés en dehors de la procédure d'expropriation engagée par l’Epaem. Dans la foulée, cet immeuble est frappé d’un arrêté de démolition, une mesure qui s’étend aux deux immeubles contigus, vacants, acquis par le bailleur. Ces arrêtés de péril et de démolition font exploser l’échéancier. Dans l’urgence, Logirem prend des mesures conservatoires indispensables (ceinturage planchers, contreforts), avant de raser les immeubles en juillet 2020.

Le fonds Friche à la rescousse

Petite cause grands effets : ces démolitions rendent caduc le permis de construire du projet de restructuration de l'îlot. Et renchérissent singulièrement le coût de l’opération qui grimpe de 25 à 36,3 M€ (+ 42 %). Le retard fait également sortir le projet du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et des financements afférents. Alors que Logirem relance une salve d’études, la crise sanitaire remet une couche de glue. Le nouveau dossier est finalement bouclé au début 2021, avec un devis revisé à la hausse obligeant le bailleur à revoir son plan de financement. Au milieu de tous ces impondérables, une éclaircie : le lancement du plan de relance et sa déclinaison sonnante et trébuchante du « Fonds Friches » (dit aussi « Fonds d’investissement dans le réemploi et le recyclage »).

L’opération - retenue à l’été 2021 par l’État parmi les premiers bénéficiaires du dispositif - se voit octroyer une enveloppe de subventions de 4,74 M€. « Sans cette manne, je ne sais pas comment on aurait fait pour boucler le plan de financement... », soupire Fabienne Abecassis. Le reste de la facture est pris en charge par l’Anru (5,6 M€ au titre de la reconstitution de l’offre HLM démolie dans le cadre des projets de renouvellement urbain dans Marseille) et les collectivités : Métropole AMP (1,2 M€), Ville de Marseille (1 M€), CD 13 (0,5 M€) et Région Paca (0,5 M€), l’organisme (21,1 M€) via des fonds propres et des prêts de la Banque des territoires (14,5 M€) et un prêt bonifié d’Action Logement (1,9 M€).

Certaines façades ont une valeur patrimoniale reconnue. (Crédit : William Allaire)

Travaux de l’îlot Bon Pasteur début 2023

Dans la foulée de cette première brique posée sur le périmètre Fiacres-Duverger, Logirem lancera au début de l’année prochaine les travaux de la seconde tranche de l’opération, la plus importante située au Sud, côté Bon Pasteur. Le projet piloté par l’agence Kern + Associés prévoit la création de 109 logements (dont 88 logements sociaux et 21 en accession sociale) via de la démolition-reconstruction (75 logements neufs en 4 bâtiments) et de la réhabilitation du tissu existant (34 logements). L’ensemble sera posé sur un parking souterrain de 53 places développé uniquement sous les immeubles reconstruits. Le cœur de l'îlot sera en pleine terre afin de permettre la plantation d’arbres à haute tige, des grands sujets dont la voûte constituera un antidote naturel à la formation d’îlot de chaleur urbain. Ce coeur d’îlot pourrait également accueillir un jardin potager partagé. Un espace d’agriculture urbaine qui sera géré par les habitants du quartier.

Enfin, ce volet là du projet contient une particularité : certaines façades ont une valeur patrimoniale reconnue qui leur vaut d’être inscrites dans le « corpus du patrimoine architectural constituant la forme urbaine de la ville ». Ce cachet concerne notamment la friche « TTMA » des 22, 24 et 26 rue de la Joliette. La façade au style art-déco de ce qui fut au début du XXe siècle le siège d’une ancienne compagnie maritime a donc été préservée. Les architectes -agences Kern + Associés et Faugue/Renaut, Matonti- ont donc imaginé un bâti neuf s’emboitant délicatement derrière la vitrine de la friche industrielle. Une greffe qui a conduit les concepteurs à investir la profondeur des ouvertures de l’ancienne façade par un jeu de loggias. Celle-ci est surmontée par un dernier niveau contemporain reprenant la géométrie de de la façade du bâtiment TTMA. Les travaux de cette deuxième phase de l’opération devraient démarrer en 2023 en vue d’une livraison mi-2025.

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