20 mois après la mise en place de sa gouvernance, la société publique locale d’aménagement d’intérêt national (SPLA-IN) créée par l’État, la Métropole Aix-Marseille-Provence et la Ville de Marseillepour mener la lutte contre l’habitat dégradé sur le territoire métropolitain se prépare à passer à l’offensive. La SPLA-IN dispose d’un capital social de 14,29 M€ détenu par la Métropole AMP (59 %), l’État, représenté par l’EPA Euroméditerranée (35 %) et la Ville de Marseille (6 %).
« On vit un moment charnière. La société existe depuis 2019 mais elle est en ordre de marche depuis février 2021, date de l’arrivée de Franck Caro, son directeur général. Les fondations sont aujourd’hui posées : la société s’est structurée avec le recrutement de 20 collaborateurs. Place désormais à l’opérationnel qui va monter en puissance progressivement », décrit David Ytier, son président.
Cette entrée en scène va se concentrer sur quatre îlots prioritaires du projet partenarial d’aménagement (PPA), arsenal contractuel déployé par l’État, les collectivités et les partenaires de la chaîne du logement dans l’hyper centre de Marseille (1 000 ha) : deux îlots situés dans le quartier de Noailles (Noailles-Ventre et Noailles-Delacroix, 1er), un situé dans le quartier de la Belle de Mai (Clovis Hugues, 3e) et un autre coincé entre la passerelle autoroutière et la voie ferrée au cœur d’Euroméditerranée, l’îlot Hoche-Versailles (3e). À ces quatre secteurs où tous les clignotants du mal logement sont au rouge, il convient d’ajouter un îlot « multisites » qui regroupe 66 immeubles disséminés dans le diffus. Au total, ces cinq îlots représentent 500 immeubles et plus de 2 500 logements.

200 M€ d’investissements publics
Leur réhabilitation mobilisera une première enveloppe de 200 M€ HT de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (109 M€), de la Ville et de la Métropole. Le solde sera pris en charge essentiellement par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui a prolongé l’opération programmée d’amélioration de l’habitat-renouvellement urbain (OPAH-RU) sur le périmètre du PPA au mois de mars 2022. Via ce dispositif, l’Anah accordera des aides à taux bonifiés aux propriétaires privés pour financer les travaux de remise à niveau de leur bien. Et la SPLA-IN sera chargée d’insuffler la dynamique rénovatrice. Une mission gravée dans le marbre d’un mandat triennal confié par la métropole AMP cet été.
« Après avoir repéré les immeubles nécessitant la réalisation de travaux, il s’agira d’épauler les propriétaires dans le montage des dossiers de demande de subventions mais aussi dans l’élaboration des projets de rénovation lourde, des démarches souvent extrèmement compliquées », indique David Ytier. La SPLA-IN mettra également son nez dans les copropriétés en souffrance en accompagnant syndics et copropriétaires dans la mise en place de plans de redressement financier. Enfin, l’intervention comprendra un volet social qui ciblera les propriétaires occupants impécunieux. « Le défi est immense : la complexité est à la fois technique, juridique, économique. Sans la SPLA-IN, je ne sais pas comment on ferait », soupire Sophie Camard, la maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, épicentres du PPA.
Depuis le 19 septembre dernier, les techniciens de la SPLA vont à la rencontre des habitants à travers une série de permanences sur les sites prioritaires. « L’objectif est d’être au pied des immeubles pour mobiliser les propriétaires bailleurs et occupants et les inciter à engager les travaux. On mettra le paquet en étant présent dans les assemblées générales de copropriété s’il le faut », avance David Ytier.
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Premiers marchés lancés
Sans attendre d’être mandatée, la société a lancé les premières consultations en vue de la passation de divers marchés et autres accords-cadres. « L’objectif est de constituer, d’ici la fin de l’année, un pannel d’experts : géomètres, professionnels de justice, entreprises spécialisées dans la sécurisation du bâti, l’enlèvement des encombrants... », égrène Franck Caro.
Première concession sur Hoche-Versailles pour la SPLA-IN
Pour entrer en action de manière effective, la SPLA-IN devra être titulaire de concession d’aménagement. La première a été paraphée début octobre avec l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée qui agit pour le compte de l’État. Les concessions des quatre autres îlots seront contractualisées avant la fin de l’année. La première concerne l’îlot Hoche-Versailles, un périmètre en déshérence d’une dizaine d’hectares enclavé dans l’un des quartiers les plus pauvres du vieux continent. « L’objectif est le recyclage de 35 immeubles », précise Franck Caro. La SPLA-IN achètera par voie amiable ou via le bâton de la préemption ou de l’expropriation les immeubles les plus dégradés avec l’ambition de créer une offre de logements sociaux : « Environ 70 % de cette offre recyclée sera destinée à du logement locatif social, avec 60 % de Plai et 40 % de Plus. Un quart sera réservée à la Foncière Logement (groupe Action Logement) au titre des contreparties foncières du NPNRU et le solde (5%) sera destiné à de l’accession sociale via du bail réel solidaire (BRS) ou des projets d’habitat participatif », déroule l’élu.
La société prendra également en charge la requalification des espaces publics : les voiries et les réseaux situés à proximité des immeubles réhabilités, mais aussi les cœurs d’îlots et autres espaces publics de proximité stratégiques.
Sur les 182 immeubles de cette première tranche du PPA, près d’un tiers (66) sont vacants et maîtrisés par la puissance publique. Pour une trentaine, une procédure de DUP (déclaration d’utilité publique) est en cours. Quant au solde, les négociations sont engagées avec les propriétaires pour des acquisitions à l’amiable... ou via préemption.
Effet levier
La SPLA-IN ne pourra évidement pas acheter la totalité des immeubles en souffrance. « On ne pourra pas tout traiter. 70 % du parc restera dans le giron de la sphère privée. Et on compte sur l’effet levier des interventions de la société pour enclencher un dynamique vertueuse chez les propriétaires », pose David Ytier. Reste que cette spirale régénératrice rebutera sans doute bon nombre de copropriétaires qu’ils soient impécunieux, noyés dans une succession à rallonge ou mal intentionnés...
« On mettra en place un référent pour chaque immeuble. Ces personnes ressources se rendront dans chaque copropriété pour comprendre les raisons pour lesquelles les travaux d’entretien et de rénovation ne sont pas réalisés. Ces référents suivront les assemblées générales de copropriété afin évidemment de prévenir les dérives éventuelles, mais surtout d’accompagner les copropriétaires dans le montage des dossiers de financement des travaux sur les parties privatives. L’arsenal des aides est important. On aidera les propriétaires à les mobiliser », martèle l’élu.
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Un AMI pour les bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux seront en première ligne pour assurer la gestion de cette offre sociale conventionnée. Au mois de décembre, la SPLA-IN lancera un premier appel à manifestation d’intérêt (AMI) à destination des organismes HLM visant la réhabilitation globale d’une première vague d’une trentaine d’immeubles disséminée dans le diffus et les quatre îlots démonstrateurs. « On réalisera la première phase des travaux de rénovation jusqu’au gros œuvre. Une fois le clos et le couvert assurés, les immeubles seront ensuite proposés aux bailleurs qui prendront en charge le second œuvre », détaille Franck Caro. « On jouera le match ensemble avec un changement de capitaine à la mi-temps », image le directeur de la SPLA. Fin octobre, la société retiendra cinq à six groupements de maîtrise d’œuvre associant architectes (mandataires) et bureaux d’études qui piloteront l’intégralité des travaux, gros œuvre et second œuvre compris.
Pour la consultation des entreprises, il faudra patienter jusqu’à la fin 2023 avec en ligne de mire une entrée en action des engins de chantier au début de l’année 2024. « L’AMI comportera un panier avec deux secteurs géographiques présentant une cohérence opérationnelle afin de permettre des économies d’échelle dans la mise en œuvre des chantiers », explique Franck Caro. Ce séquençage opérationnel présentera un autre avantage : la réduction du prix de revient des programmes. « Les bailleurs paieront une charge foncière à la mesure du prix au mètre carré du bâti au stade du gros œuvre, de l’ordre de 1 100 €/m2 », décrypte le directeur. Ce dispositif assez inédit permettra de tester les solutions les plus efficientes pour la suite du PPA. « Ce passage à l’opérationnel sera le creuset d’une réflexion collective afin d’identifier les solutions les plus frugales, les plus robustes. Tout sera documenté ».
Recréer de la confiance
En première ligne sur ce chantier herculéen, Sophie Camard en mesure la dimension humaine. L’élue de secteur y voit « un moyen de recréer la confiance avec les habitants ». Une confiance forgée par « le développement d’emplois de proximité et le retour d’activités tertiaires dans le centre ville ». Au-delà de ce volet socio-économique, la cure de jouvence ne se résume pas à de la tabula rasa. « Il faut respecter le patrimoine en privilégiant la rénovation de l’existant sur la démolition-reconstruction », plaide l’édile.