Oubliés les gaz d'échappement. Sept ans après le foudroyage du pont qui enjambait l'autoroute à deux pas de son terminal, la Porte d'Aix respire. Dès ce 8 juin, les habitants du quartier ont pu déambuler dans la première bouture du parc urbain imaginé par le paysagiste Alfred Peter. Posé sur un immense bassin de rétention réalisé par l'ex communauté urbaine, cet espace arboré de 3 500 mètres carrés préfigure le futur poumon vert du nouveau « campus urbain » que l'établissement public d'aménagement Euroméditerranée (EPAEM) prévoit de faire pousser autour de ce qui fut durant plus de quatre décennies la porte d'entrée préférée des automobilistes venant du nord.
La mutation est d'ailleurs déjà engagée. Au nouveau débouché de l'autoroute, près de l'avenue Leclerc, deux bâtiments ont surgi dans le paysage : l'hôtel japonais Toyoko Inn et la résidence étudiante « Sens » (83 logements pour 2 540 m2 de surface de plancher) construite par Ametis. Plus au sud, l'arc de triomphe et ses abords (3,5 ha) ont bénéficié d'une cure de jouvence (coût : 12 M€ réglé par Euroméditerranée). L'ancienne étoile impériale a retrouvé son lustre avec pour écrin un grand parvis piétonnier qui a remplacé le ruban de bitume qui l'étouffait. Le lifting de l'espace public s'achèvera dans un an avec la mise en service de la deuxième partie du parc (7 500 m2), au nord de l'hôtel. Gardienné et fermé la nuit, « cet espace végétal sera l'épine dorsale du nouveau quartier à dominante étudiante que nous souhaitons voir émerger à la Porte d'Aix », souligne Laure-Agnès Caradec, la présidente de l'EPA Euroméditerranée.
Retrouvez sur cette carte l'ensemble des projets (à venir ou livrés) dans le cadre de la revitalisation du quartier de la Porte d'Aix :
Campus urbain
« Il s'agit de redonner à Marseille ses lettres de noblesse universitaire. Même si Aix a une image forte de ville étudiante, Marseille avec 55 000 étudiants compte une population de jeunes plus étoffée mais moins visible car les grands campus sont excentrés, à Luminy au sud et à Château-Gombert et St-Jérôme au nord », explique l'élue phocéenne. L'affirmation de cette vocation universitaire passe donc par la création d'un campus en cœur de ville. « Aix-Marseille-Université prévoit d'accueillir 1 000 à 2 000 étudiants par an d'ici 5 ans. Il s'agit de profiter de cette dynamique pour créer une nouvelle polarité étudiante autour des grands équipements existants et à venir dans le périmètre de Saint-Charles-porte d'Aix : l'université de sciences Saint-Charles, l'université de droit sur la Canebière, l'EMD, école de management et de commerce privée, la nouvelle bibliothèque universitaire, le futur Institut méditerranéen de la ville et des territoires (IMVT), sans oublier les résidences étudiantes sorties de terre le long du boulevard Nédélec et près du nouveau terminal de l'autoroute », déroule Laure-Agnès Caradec.
Cette œuvre de régénération urbaine se frottera également aux tendances émergentes de la ville contemporaine.
« Comme sur les Fabriques, on doit travailler sur les usages. Dans une approche low cost/easy tech. Exit la sophistication. Les générations actuelles sont en attente d'hyperconnectivité, de circulations douces, d'espace, d'économies d'énergie, d'autopartage, etc. Nous ne sommes plus sur une vision du promoteur qui vient, pose ses bâtiments et repart sans penser aux services urbains », avance Hugues Parant le directeur général de l'EPAEM.
Dans ce schéma à la fois frugal et inclusif, l'aménageur doit imaginer des espaces adaptables, capables d'évoluer au gré des mutations technologiques et sociétales. Une modestie symbolisée par le projet d'urbanisme transitoire déployé par l'Etat et la ville sur le site Coco Velten, sur la rive sud de la porte d'Aix (hors périmètre d'Euroméditerranée).
Cogedim et Youssef Tohme lauréats de « l'îlot sur le Parc »
Ce primat de la jeunesse et de la mixité à tous les étages (fonctionnelle, générationnelle, sociale...) est le fil rouge du projet confié au groupement associant Altarea Cogedim, l'hôtelier Melt, l'architecte libanais Youssef Tohme, le paysagiste marseillais Hervé Der Sahakian et l'association Urban Prod. Lauréat de l'appel à projet* pour l'« Ilot sur le Parc » lancé en 2018 par l'EPAEM, le promoteur et son équipe comptent développer une pièce urbaine d'environ 7 000 mètres carrés (mixant restauration d'îlots et bâti neuf) sur l'îlot situé à l'interface de l'avenue Camille Pelletan et du nouveau parc. « Axé sur les nouveaux usages de la ville, ce lieu d'échanges destiné à la jeunesse étudiante préfigurera les nouvelles fonctions que nous souhaitons développer à plus grande échelle sur le quartier des Fabriques », indique Hugues Parant.
Des fonctions que l'aménageur ne souhaite pas planifier de manière dirigiste. « A l'instar du projet expérimental Coco Velten, on veut proposer des équipements provisoires devant le parc et se laisser le temps d'inventer les usages de la ville de demain », insiste Laure-Agnès Caradec. Une mission inclusive qui sera incarnée par la présence d'Urban Prod dans le groupement lauréat. « L'association animera un tiers lieu proposant des espaces d'activités partagés ouverts à tous, avec un focus particulier vers le social et la formation numérique », précise Hugues Parant.
Nouveaux usages
Le groupe Melt de son côté déploiera sur l'îlot du parc le concept d'auberge de jeunesse nouvelle génération qu'il a mis en œuvre dans d'autres métropoles (Bordeaux, Lille, Montpellier, Paris...). « Ce sera une résidence ouverte sur la ville avec des services mutualisés (terrasses sur le toit, jardin partagé...), un restaurant, des salles modulables, une boulangerie qui proposera des formations aux jeunes du quartier... », déroule l'élue. Enfin, au rez-de-chaussée, le projet comprendra une crèche avec des espaces extérieurs préservés en cœur d'îlot, avec un accès indépendant depuis l'avenue du Général Leclerc.
Le calendrier de l'opération n'est pas encore arrêté avec précision. Le permis de construire devrait être déposé à la fin de l'année en vue d'une livraison du programme à l'horizon 2023.
* Les autres promoteurs en lice étaient Icade, LC2I et Redman.