TPBM : Christophe Castaner était présent lors de l'inauguration des locaux de la Cress Paca à Marseille. Qu'attendez-vous du gouvernement pour l'ESS ?
Marc Pouzet : Que fait l'Etat pour moi ? C'est une philosophie bien française… L'ESS doit puiser en elle ses propres ressources et innover pour ses financements. J'interpellerais plutôt l'Etat pour qu'il joue son rôle de régulateur et protège le statut des entreprises de l'ESS, qui réinvestissent dans les territoires et jouent un rôle social.
Pour quelle raison ?
Il faut défendre un modèle économique qui redonne du sens. C'est une erreur qui a été faite dans les années 80 : on a déformé le modèle capitaliste par une financiarisation de l'économie. Le capital qui nourrit le développement économique c'est sain. Mais hélas les mathématiciens ont remplacé une partie des banquiers, s'emparant des marchés à la recherche insatiable de la martingale du toujours plus, créant une perversion dangereuse.... Notre génération, qui a vécu les Trente Glorieuses, doit se poser la question de ce qu'elle laissera aux prochaines…
L'ESS est une solution d'avenir ?
L'ESS est d'une modernité insolente ! Notre monde se craquelle et fait face à un certain nombre d'enjeux majeurs. En même temps, il y a l'arrivée des nouvelles générations qui n'ont pas les mêmes attentes que les nôtres, en termes de réussite professionnelle et de réalisation personnelle. Nous leur laissons aussi un monde en pleine mutation, endetté, qui développe des phénomènes d'égoïsme, de repliement sur soi et son « groupe ». Il faut sortir de son cercle. Il faut aussi recréer des liens entre les hommes, les territoires ; entre la bande côtière les métropoles et l'arrière-pays, pour notre région ; entre les acteurs économiques. Le travail en silo, c'est terminé. La nouvelle économie est celle des échanges, des liens, de la mutualisation et de la transversalité.
Vous dites que « l'ESS est d'une modernité insolente ». Pourquoi ?
Elle permet un cercle vertueux de développement qui induit un nouveau modèle sociétal et remet l'homme au centre comme finalité. Les entreprises de l'ESS créent une dynamique collective en réinvestissant dans le territoire et en apportant des services de proximité. C'est une façon de redonner du sens et de l'espérance à notre société.
A un moment où la ressource publique se tarit, la mutualisation est une solution ?
Le temps où les politiques publiques saupoudraient des subventions à droite et à gauche est terminé. D'abord, parce qu'il n'y a plus suffisamment d'argent et ensuite, parce que c'est inefficace. Mais cela impose une remise en cause profonde, y compris pour les acteurs de l'ESS qui ont souvent, par le passé, bénéficié de ces aides. Ils doivent maintenant raisonner de façon plus économique, en se posant la question de la performance, du sens, de l'utilité et bien entendu de mutualiser les organisations.
C'est le message que fait passer la Cress Paca ?
Elle joue son rôle de navire amiral de l'ESS qui aide à se remettre en cause et à avancer. Elle est aussi devenue l'interlocuteur des pouvoirs publics de la région Paca en matière d'ESS, au même titre que les autres chambres consulaires.
Quel regard portent les acteurs économiques sur l'ESS dans notre région ?
Il ne faut pas opposer les sociétés de personnes de l'ESS aux sociétés de capitaux. Elles sont complémentaires et il y a des passerelles entre elles. Regardez les engagements d'Alain Lacroix, le président du directoire de la Cepac, une banque coopérative. Son établissement a abondé au fonds d'investissement initié par la Cress Paca et il est également président de la Chambre de commerce et d'industrie de région. N'oublions pas aussi qu'il y a plus de liens et de ressemblances entre les PME et les entreprises de l'ESS, qu'entre des PME et les sociétés du CAC 40.
* Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire Provence-Alpes-Côte d'Azur.