Après une première visite en février sur le thème de la sécurité gâchée par les tirs de kalachnikov dans la cité de La Castellane (16earr.), Manuel Valls était de retour à Marseille ce 29 mai pour présider un comité interministériel sur la Métropole Aix-Marseille-Provence (AMP). Accompagné de neuf ministres, le chef du gouvernement a tenté de déminer la fronde d’une majorité d’élus locaux en apportant dans sa besace la confirmation du plan d’investissements massifs en faveur de la future Métropole AMPinstiguée par son prédécesseur Jean-Marc Ayrault en septembre 2012.
« L’Etat veut aider Marseille »
En fin de matinée, à l’issue d’une rencontre, à l’ambiance polaire aux dires des participants, avec les présidents des six établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin et le président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône, Georges Cristiani, Manuel Valls a martelé sa volonté de voir « l’Etat aider Marseille », vantant le soutien « sans précédent » à la ville mené par son gouvernement et celui de son prédécesseur depuis trois ans. Ce volontarisme était étayé par une liste d’une cinquantaine de « décisions » en faveur du transport, du logement, de la sécurité et du développement économique. Un inventaire touffu qui agrège pêle-mêle opérations du Contrat de plan, document que l’hôte de Matignon a paraphé dans l’après-midi à l’Hôtel de Région, projets du programme d’investissements d’avenir (PIA), du pacte de cohésion sociale et du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Attendu au tournant par les élus sur les moyens sonnants et trébuchants alloués par l’Etat, le Premier ministre a confirmé une dotation exceptionnelle : « La mise en place de la Métropole bénéficiera à sa création d’un surcroît de dotation de 50 millions d’euros et je suis prêt à étudier avec les élus l’ensemble des moyens financiers nécessaires en 2016, a-t-il indiqué. La mise en place de moyens pour accompagner la création de la Métropole est toujours en discussion. Je pense notamment à la péréquation qui se serait traduite par un apport de 30 millions d’euros supplémentaires en 2015, si la Métropole avait déjà existé. »
Des moyens pas dépensés ?
Fustigeant « la démagogie » des élus qui estiment que l’Etat n’en fait pas assez, le Premier ministre a renvoyé ces grincheux à leurs responsabilités, citant l’exemple des crédits de la rénovation urbaine. Selon Matignon, un tiers de l’enveloppe mise sur la table par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) pour soutenir la mise en œuvre des 14 chantiers de rénovation urbaine de la cité phocéenne (111 M€ sur un total 303 M€) doit être engagée avant la fin 2015. Faute de quoi, ces crédits seront affectés vers d’autres opérations ailleurs en France. « Il ne suffit pas de demander des moyens. Il faut aussi les engager », a grincé le Manuel Valls.
Cette pique a évidemment fait bondir le sénateur-maire (UMP) de Marseille. « Ces déclarations ne constituent, au mieux, qu’une erreur d’appréciation délibérée, dictée par certains élus socialistes locaux, a rétorqué Jean-Claude Gaudin. En réalité, la Ville de Marseille met en œuvre l’ensemble de ses engagements pour les 14 conventions de rénovation urbaine, moyennant les adaptations négociées avec l’Anru, et consommera tous les crédits programmés», a-t-il assuré rappelant que la Ville investissait « plus de 120 millions d’euros » dans les 14 opérations du Programme national de rénovation urbaine (PNRU).
600 M€ de crédits du CPER
L’essentiel des crédits dévolus à la Métropole AMP sera issu du contrat de plan Etat-Région (CPER) : un peu plus du tiers du 1,6 milliard de crédits Etat-Région sera affecté aux transports et au port de Marseille. 290 millions d’euros iront dans les projets ferrés et routiers (déviations routières de Martigues/Port-de-Bouc et de Miramas, modernisation de la voie ferrée Marseille-Gardanne-Aix, modernisation de la voie ferrée de la Côte bleue), a précisé le Premier ministre. Sur ses propres financements directs, l’Etat octroiera également 5 millions supplémentaires à la seconde phase de la modernisation de la ligne Marseille-Aix.
Le Grand port maritime de Marseille (GPMM) bénéficiera quant à lui de 300 millions d’euros « afin de renforcer son potentiel de développement » et rivaliser davantage avec les grands ports d’Europe du Nord et ses concurrents Barcelone et Gênes. Le Premier ministre a par ailleurs évoqué l’un des plus gros utilisateurs du port : la SNCM. Une solution concernant l’avenir de la compagnie maritime reliant la Corse au continent, sur lequel le tribunal de commerce de Marseille doit statuer le 10 juin, est « possible » et « peut-être à portée de main », a-t-il estimé.
L’Etat soutiendra également plusieurs grands projets locaux (campus international pour la coopération et le développement, Institut méditerranéen de la ville et des territoires...).
« Il reste du chemin à faire mais nous sommes sur la bonne voie », a jugé Manuel Valls à propos du volet sécuritaire. Même si les statistiques globales de la délinquance affichent un recul depuis 2012, les règlements de compte ont continué toutefois à se produire régulièrement à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône ces derniers mois.
Les élus sur leur faim
Ces annonces n’ont pas suffi à désamorcer la fronde des élus. « Le compte n’y est pas ! », a tempêté Jean-Gaudin, rappelant que « ces annonces du Premier ministre ne reprenaient pour l’essentiel que les termes du CPER dont nous avons dénoncé les carences ». L’édile phocéen a regretté « qu’aucune dotation supplémentaire significative n’ait été annoncée, au mépris des demandes des élus locaux, notamment pour les transports, sujet stratégique de la Métropole et de la Région ».
« On nous parle de 50 millions d’euros par an (...), tout ça pour ça ? Pour financer l’ambition, pour faire rêver nos concitoyens d’un territoire revu, embelli, (...) qui suscite l’attractivité, il faut beaucoup plus que ça ! », a réagi le président (UMP) de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole Guy Teissier.
Le maire (SE) de Mimet, Georges Cristiani, président de l’Union des maires des Bouches-du-Rhône, qui a mené la fronde contre la création de la Métropole, a également fait part de sa « déception ». « Mais c’est une déception maintenant courante », a-t-il poursuivi, estimant qu’« on essayait de dissoudre les communes ».
Retrouvez l'article complet de William Allaire sur la visite de Manuel Valls à Marseille dans le numéro 1080 de TPBM (parution le 3/06/2015).