« Il s'agit de construire un bâtiment à l'image d'une justice du XXIème siècle, celle de la proximité du quotidien, celle nourrie par la dimension démocratique », résume Kristell Filotico, l'architecte auteure du nouvel équipement judiciaire qui accueillera bientôt les équipes du tribunal de commerce et du tribunal de proximité (ex tribunal d'instance) dans la zone d'activité de Chanteprunier à Manosque.
Exit donc les locaux hors du temps et bonjour l'édifice aux lignes pures et à l'architecture soignée. Pour Kristell Filotico, « les magistrats, pour exercer la justice, ont besoin que l'architecture la symbolise ». Et en la matière, l'actuel tribunal de commerce, situé en centre-ville, ne remplit plus sa fonction. Elle poursuit : « La présence du tribunal doit pouvoir s'imposer comme une évidence en recherchant la juste dimension symbolique dans sa matérialité et son épaisseur, tout en évitant une représentation trop ostentatoire ».
Béton et lumière
L'architecte a donc fait le choix d'un bâtiment en béton brut, dont le caractère est particulièrement assumé. D'un côté, un vaste open-space abritera les bureaux administratifs du tribunal de commerce et de l'autre les parties administratives du tribunal de proximité. Ces deux espaces, côte à côte, seront organisés autour de deux patios arborés entre ombre et lumière. Elle ajoute : « Les circulations publiques sont linéaires et clairement identifiées. Le public sera accueilli dans le jardin des pas perdus, un prolongement extérieur de la salle des pas perdus. L'idée était de jouer avec la lumière et un agrément végétal. D'autre part, le fonctionnement introverti et de plain-pied, travaillé autour de patios-jardins, permet de répondre aux exigences d'intimité et de calme intrinsèques aux affaires qui s'y traitent. Il offre également un rapport au ciel et un accès extérieur à tous les bureaux, sans vis-à-vis ».
La salle d'audience, un cube parfait de 10,60m, conservera une monumentalité symbolique. Un parti pris esthétique à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment : « Nous avons travaillé sur l'apport de lumière zénithale à l'intérieur de la salle d'audience. La lumière éclairera directement les magistrats grâce à la construction d'une toiture décaissée », confie Kristell Filotico. A l'extérieur la monumentalité est signifiée par l'utilisation d'un voile de béton matricé unique, résultat d'un procédé de coffrage inédit réalisé à partir de demi-rondins de bois.
« L'entreprise Cosepi a osé m'accompagner dans cette démarche architecturale particulière. Elle a su, pour ce projet, innover, se lancer dans un véritable défi technique », remarque l'architecte lors de la visite de chantier. « Le premier mur de la salle d'audience représente près de 500 heures de travail, souligne Fabrice Dominici, conducteur des travaux pour l'entreprise Cosepi. Nous avons dû faire de nombreux essais afin de nous assurer de la solidité et du rendu final. Chaque élément a été coulé sur place par tranches, qui représentent chacune une masse de 6 tonnes. Nous avons assemblé des rondins pour former un moule qui matérialise aujourd'hui ce voile en béton matricé ».
Le bâtiment, aux lignes courbes, épouse l'ensemble des formes de son environnement. Il bénéficie d'une surface au sol de 1 247m2 et occupe la quasi totalité de la parcelle (2 000 m2). Si aucune certification n'est attendue, l'isolation par l'intérieure devrait permettre d'atteindre l'équivalent d'un label BDM Argent. Le caractère béton brut extérieur de l'ouvrage sera également conservé à l'intérieur car les réseaux y resteront apparents.
Un bâtiment flexible pour suivre les réformes de la justice
A l'intérieur, la séparation entre les espaces de travail s'effectue par des cloisonnements légers. « Nous avons voulu construire un bâtiment capable de s'adapter aux besoins de la justice et dont la structure flexible permettra d'accompagner les juridictions dans le temps », précise François Lattuca, adjoint à la cheffe du département de l'immobilier pour le ministère de la Justice. Et de poursuivre : « Tout a été imaginé avec le plus de flexibilité possible pour que le bâtiment puisse traverser le temps, y compris dans son usage. »
Aujourd'hui 80% du gros œuvre est réalisé. Les murs porteurs sont coulés et la salle d'audience attend la toiture. Le nouvel équipement judiciaire devrait être livré d'ici la fin juin 2021. Au total, l'opération devrait coûter 3,750M€ au ministère de la Justice dont 2,5M€ HT de travaux.