TPBM : Vous êtes président de la Commission de l’exercice du droit du Conseil national des barreaux (CNB). En quoi consiste-t-elle ?
Didier Adjedj : Elle doit lutter contre le viol des règles qui protègent le droit. Le droit n’est pas assimilé à une marchandise. Dans l’intérêt du consommateur, il faut s’assurer que ceux qui rédigent des actes en aient l’autorisation. Aujourd’hui, il est important de lutter contre les braconniers du droit.
Qui sont-ils ?
Les plates-formes Internet qui, en France, sont en train de se développer de façon exponentielle. Elles proposent de la consultation juridique, des modèles d’actes mais sans assurer derrière que ces prestations soient bien dispensées par un avocat.
Comment la profession s’organise-t-elle pour lutter contre cette concurrence déloyale ?
A travers la Commission de l’exercice du CNB notamment. Elle est composée d’élus du CNB et d’avocats experts, qui connaissent les nouvelles technologies. Ils font des poursuites et des actions en justice quand cela est nécessaire. Nous menons également une réflexion sur la place de l’avocat face au numérique et sur les évolutions de notre profession. Il y a aussi la question du droit, de son uberisation et de la déontologie à défendre.
Les poursuites font-elles leurs effets ?
Les poursuites, c’est bien, mais le temps de la justice n’est pas celui d’Internet.
Comment faire alors ?
La profession a mis beaucoup de moyens sur la dématérialisation des procédures, mais elle n’est pas assez présente sur Internet. Dans 99 % des cas, les sociétés commerciales qui proposent à des avocats de les rejoindre sur Internet violent les règles de la déontologie de la profession, notamment sur le partage des honoraires. Les sites prélèvent un pourcentage sur ces honoraires. Il y a aussi un problème sur la garantie d’indépendance des avocats au sein de ces sociétés.
Le CNB a mis en ligne il y a quelques mois « avocats.fr ». Ce site Internet fait figure de contre-attaque ?
La profession a mis du temps. Il y avait de nombreuses réticences en interne, notamment par rapport au respect de la déontologie. Il a fallu deux ans de travail. Au début l’idée était de créer ex nihilo* un site Internet, mais cela aurait été trop long. Le CNB a donc racheté un site existant. Il en est l’unique propriétaire. Il a été mis en ligne en juin 2016. Maintenant, nous allons pouvoir le faire évoluer.
Avec ce site, la présence d’avocats est donc garantie ?
C’est le seul site du marché qui atteste qu’un avocat répond aux internautes. Pour participer à la gestion de ce site, les avocats doivent se connecter avec leur clef numérique sécurisée.
A qui est-il destiné ?
Il est destiné à remplir un manque maintes fois constaté par la profession. Nos clients ont du mal à trouver l’avocat qui correspond le mieux à leur problématique. Avec ce site, ils auront accès à un moteur de recherche simple qui pourra répondre à leur besoin. Il est ensuite possible de prendre un rendez-vous avec cet avocat ou de faire une consultation par téléphone. Un moyen de payement est aussi prévu, simple et transparent.
Tous les avocats sont répertoriés par ce site ?
C’est sur la base du volontariat. Il y a actuellement 5 000 avocats inscrits, ce qui fait du site la plate-forme qui rassemble le plus grand nombre d’avocats aujourd’hui.
Quel premier bilan dressez-vous de son fonctionnement ?
Nous sommes à 40 000 visiteurs uniques et 2 000 comptes d’internautes créés. Il y a eu pour 60 000 euros de transactions.
Et au sujet de la relation client-avocat ?
Plus de 50 % des transactions aboutissent à un rendez-vous avec un avocat, dans son cabinet. On s’aperçoit que dans la profession, le contact et l’échange direct entre l’avocat et son client restent primordiaux.
Quelles évolutions prévoyez-vous pour le site ?
Les blogs se développent. A très court terme, on a l’intention d’ajouter des fiches pédagogiques. On appelle aussi les avocats à venir s’inscrire.
* A partir de rien.