On pourrait comparer le dossier à un feuilleton, tant les rebondissements sont nombreux et parfois déroutants. Le 16 novembre dernier, le maire de Gap Roger Didier demandait d'adossement de la rocade de Gap à l'A51. Quelques jours plus tard, il se voyait rétorquer par la préfète des Hautes-Alpes qu'un adossement n'était pas envisagé. Et pourtant, l'idée n'est pas sortie de nulle part.
A lire : Et si Vinci finançait et réalisait la rocade de Gap ?
Pour véritablement comprendre la genèse du dossier, il faut remonter à cette rencontre qui avait eu lieu le 25 février 2019 au ministère des Transports, réunissant une délégation d'acteurs politiques et économiques du département, aux côtés de Vinci, concessionnaire de l'A51. Le but : permettre au groupe de financer deux itinéraires de désenclavement routier à la sortie de l'A51, à La Saulce. Le premier vers Gap, le second vers la vallée de l'Avance pour rallier le nord du département. Mieux, il avait été évoqué la possibilité d'inclure la rocade de Gap. Evidemment, ce genre d'opération n'est pas sans contrepartie et peut se traduire par un allongement de concession ou une hausse des péages. C'est ce que l'on appelle le principe de l'adossement.
Adossement rendu possible par le décret du 14 août dernier permettant de donner un statut « autoroutier » à des portions de routes départementales ou nationales pour lequel s'est battu le secrétaire d'Etat à la Ruralité, le Haut-Alpin Joël Giraud, qui lui aussi faisait partie de la délégation (en tant que député à l'époque).
Ce que révèle la fameuse étude d'opportunité
Lors de cette réunion au ministère des Transports, il avait été convenu que le Département des Hautes-Alpes ferait réaliser à sa charge une étude d'opportunité au sujet des deux itinéraires. Etude confiée au bureau d'études Egis, dont les conclusions sont tombées mais n'ont pas encore été restituées publiquement. « Elles sont à la fois positives et négatives », révèle le président du Département Jean-Marie Bernard. « Le bureau d'études a à la fois pris en compte sa perception et celle que pourrait avoir la Direction des infrastructures et des transports (ministère de la Transition écologique). » Et voilà ce qui en ressort : inutile d'espérer obtenir le feu vert pour améliorer la desserte par la vallée de l'Avance, cela ne ferait que déplacer de 15 km le problème d'engorgement, qui se pose véritablement 20 week-ends par an. En revanche, la liaison vers Gap serait plus intéressante, car l'itinéraire mène également vers Grenoble. « Il est donc envisagé d'y réaliser des aménagements un peu conséquents », conclut l'élu.
« L'adossement n'est pas une option »
Cet itinéraire pourrait-il être confié à Vinci sur le principe de l'adossement ? La réponse est non, malgré le décret du 14 août 2020... « Ces choses avaient été envisagées mais à ce stade, il a plutôt été décidé de surseoir à ce type d'opération. L'adossement n'est pas une option. Il implique de rehausser les péages ou de prolonger les concessions. L'Etat n'a pas souhaité renouveler les plans de relance autoroutiers et attend d'avoir une idée plus précise de la manière de gérer les concessions », répond-on du côté du ministère de l'Aménagement du territoire.
Pourquoi un tel revirement de situation ? Le 16 septembre dernier, le rapport de la commission d'enquête du Sénat sur les concessions autoroutières a été rendu. Il dénonce entre autres des relations déséquilibrées entre les sociétés d'autoroutes et l'Etat et estime qu'il est « impératif de ne plus prolonger la durée des concessions, afin de pouvoir enfin remettre à plat le système autoroutier à l'échéance de ces dernières (entre 2031 et 2036) ».
Des aménagements cofinancés par l'Etat, la Région et le Département
Cette donnée ne signe pas pour autant la mort de la réalisation de ces travaux entre La Saulce et la future rocade de Gap. Car une convention Etat-Région du 16 juillet 2020 autorise la création d'un fonds spécifique de financement du programme de résorption des points noirs routiers du quotidien en Paca. La modernisation de cette portion de route sur la RN 85 en fait partie. Elle prévoit, pour un budget de 30 M€ maximum, « d'améliorer les capacités de l'infrastructure par une mise à deux fois deux voies partielle de la section en prenant en compte l'insertion environnementale et la sécurisation de l'itinéraire entre le carrefour de Tallard et l'entrée sud de Gap ». Clairement, il s'agit de créer des créneaux de dépassements et de sécuriser des carrefours accidentogènes.
Ce chantier sera cofinancé par l'Etat, la Région et le Département. La maîtrise d'ouvrage sera assurée soit par le Département, soit par l'Etat. Quant au calendrier, c'est une autre question, la raison étant principalement financière car la définition du cadre reste encore floue, mêlant plan de relance et futur contrat de plan Etat-Région. « L'intérêt, c'est que ce soit acté », conclut Jean-Marie Bernard.
Ces améliorations viendraient compléter deux opérations en cours : la réalisation laborieuse de la rocade de Gap (voir encadré) et le réaménagement du carrefour de Tallard, qui inclut un traitement de la RN 85 depuis le giratoire de La Saulce et dont le début des travaux est envisagé en 2023.
Nos précédents articles sur le chantier de la rocade de Gap
7 septembre 2018 : Aléas sur les chantiers de la rocade de Gap et de RTE : quelles conséquences ?
5 mars 2019 : Désenclavement : élus et monde économique unis pour ne rien lâcher
26 mars 2019 : [Carte interactive] En cours, en difficulté ou gelés : les projets pour désenclaver les Hautes-Alpes
3 octobre 2019 : Gap : la livraison de la section centrale de la rocade pourrait être retardée
19 décembre 2019 : La rocade de Gap sera livrée avec deux ans de retard... au moins
22 mai 2020 : Objectif : ouvrir au plus tôt une partie de la future rocade de Gap
13 octobre 2020 : Exaspéré, le maire de Gap demande la maîtrise d'ouvrage déléguée de la rocade
16 novembre 2020 : Et si Vinci finançait et réalisait la rocade de Gap ?