Les stations de sports d'hiver pèsent 15% dans l'économie haut-alpine. L'avenir, toutes y pensent avec un peu d'appréhension. Elles essaient de monter des projets structurants pour séduire une clientèle toujours plus exigeante dans un contexte de réchauffement climatique qui nécessite des investissements et des idées novatrices.
La CCI des Hautes-Alpes, en partenariat avec le Cluster montagne, associée avec la Banque de France et les socioprofessionnels, a engagé une réflexion sur la question du parcours client et la qualité d'offre de services à Ancelle (le projet le plus avancé), à Pelvoux-Vallouise et à Puy-Saint-Vincent. L'expérience devrait être également menée dans la Vallée Blanche (Alpes-de-Haute-Provence) puis dans les Alpes-Maritimes.
Au moment où les subventions se raréfient, « l'objectif est de prendre son avenir en main, mieux se coordonner pour avoir une meilleure offre de services », détaille Harold Klinger, élu à la CCI 05 et au Cluster montagne, référent sur ce dossier. Les socioprofessionnels sont, par conséquent, pleinement impliqués dans le programme.
Un plan d'actions conventionné sur trois ans
Ancelle compte 60 socioprofessionnels liés au tourisme. Lors d'une série d'entretiens (42 ont été pleinement exploités), ils ont été invités à donner leur vision du territoire, la santé de leur activité et les points d'amélioration à apporter. Mi-octobre, une réunion a permis la restitution de ce travail d'analyse et de prospective.
Il en ressort qu'Ancelle, à la clientèle familiale et de proximité, est une destination hivernale. Mais la saison reste à sécuriser (-13,2% de forfaits vendus entre les saisons 2015-2016 et 2016-2017) et les activités après-ski manquent. L'été présente un beau potentiel qui doit être développé. « Presque 75% des socioprofessionnels interrogés considèrent que leur chiffre d'affaires est constant ou en baisse. C'est préoccupant. On constate aussi un vieillissement du tissu économique (46,4% ont plus de 50 ans) ; la question de la transmission va se poser rapidement », note Antoine Dupuy, chargé de mission à la CCI.
Ces discussions « à bâtons rompus et parfois animées » pour reprendre les termes d'Harold Klinger, auxquelles sont associés l'office de tourisme intercommunal du Champsaur-Valgaudemar et l'Agence de développement des Hautes-Alpes, vont aboutir à un plan d'actions que le secteur privé peut mener. Il sera conventionné pour trois ans et fera l'objet d'une évaluation chaque année.
« La politique de la chaise vide est néfaste à l'économie »
Plusieurs pistes de travail commencent à émerger. Sur l'accueil en premier lieu. « Etre souriant, pouvoir informer le client, tel un mini-office de tourisme, sur les activités proposées en station et les services offerts par les autres socioprofessionnels, maîtriser a minima l'anglais, même si les touristes sont en majorité français », évoque Antoine Dupuy.
« La politique de la chaise vide est néfaste à l'économie, renchérit Harold Klinger. Il s'agit de mettre en place des roulements pour faire en sorte qu'il y ait toujours un restaurant, un hôtel... ouvert sur des saisons étendues pour accueillir au mieux les touristes. »
L'esthétique de la station peut également être améliorée à travers une meilleure signalétique privée, « davantage de place pour l'espace public, un cheminement piéton repensé, car il n'y a pas de trottoirs », ajoute Antoine Dupuy. Les socioprofessionnels doivent aussi s'approprier leur nouvel office de tourisme intercommunal et « envisager des projets à l'échelle de la vallée ». Pour construire l'offre estivale, 62,5% des sondés souhaitent la construction d'un plan d'eau. Harold Klinger les incite plutôt à capitaliser autour des plans d'eau alentour en facilitant les déplacements.
Davantage de sites de vente en ligne
Mais le gros chantier est véritablement l'appropriation du numérique par les socioprofessionnels. 80% disposent d'une connexion internet. 66,7% ont un site internet, dont 28% permettent la vente en ligne.
« C'est insuffisant. Quand on est client, on n'arrive pas à constituer un package itinérance pour ses vacances. Les Allemands, Belges et Hollandais qui sillonnent le département achètent essentiellement via le web. C'est aussi une porte d'entrée vers la question de l'évaluation que permettent des sites comme Trip Advisor ou Booking », rappelle Harold Klinger.
Ces outils rassurent le client et obligent le prestataire à monter en gamme pour obtenir des avis positifs. Pour Antoine Dupuy, le virage numérique passe par des sites internet visuellement attractifs, adaptés, consultables sur smartphones. « L'idéal serait de mettre en place une gestion de la relation client, c'est-à-dire récupérer des données pour pouvoir adapter son produit au mieux. Des prestataires privés peuvent s'en charger », informe Antoine Dupuy.
Investir en fonction d'une réalité et non d'un ressenti
A plus long terme, la démarche vise à mieux appréhender le parcours client pour coller à ses attentes, améliorer l'accueil et ainsi réaliser des investissements judicieux. Ne plus faire en fonction d'un ressenti mais d'une réalité. « Lorsqu'on enregistre 100 passages VTT sur un télésiège l'été, on ne sait pas si ce sont 100 personnes différentes ou 100 fois la même personne », pointe M. Klinger. L'âge, le nombre de montées/descentes effectuées par les usagers, la combinaison avec d'autres activités sont des données qui se révéleraient être utiles dans ce contexte. Pour rester sur cet exemple du télésiège, monte-t-il plus de randonneurs ou de vététistes ? « Car aménager une piste de randonnée ou une piste de VTT, ce n'est pas le même coût ! », relève l'élu consulaire. A l'heure du numérique, les outils ne manquent pas pour récupérer ces précieuses données.