La belle utopie d'un couple de marseillais, rêvant d'une autre façon de vivre en 2006, est finalement devenue une réalité à Forcalquier avec le projet d'habitat groupé Les Colibres. Quatre-cent-quatre-vingt-douze réunions et 2,5 M€ d'investissement plus tard, le projet fonctionne à plein. Depuis sa livraison en janvier 2017, la végétation a largement poussé et la solidarité avec.
Ici, toutes les décisions se prennent en commun. De la vente d'un logement en passant par l'arrosage du potager, tout doit être soumis à l'approbation de l'ensemble des propriétaires. Car dans cet éco-hameau, les habitants, réunis dans le cadre d'une SCIA (Société civile immobilière d'attribution), sont propriétaires via un principe de parts sociales : « Quand un habitant décide de s'en aller, le logement n'est pas vendu, ce sont les parts sociales qui le sont », explique Sylvie Détot, architecte bioclimatique et co-auteure du projet avec Bijan Azmayesh, du cabinet Ostraka à Robion.
Aujourd'hui, « nous sommes nombreux à dire que c'est encore mieux que ce que l'on avait imaginé. La principale difficulté dans ce type de projet c'est l'humain. Il est, selon moi, essentiel de travailler sur le collectif ». Certains choix architecturaux ont même été guidés par le besoin collectif : « Sur le terrain, nous avons une double pente à 7 %, ce qui signifiait que tous les logements n'avaient pas le magnifique point de vue sur les Alpes. Nous avons donc construit une plateforme collective, où tous les habitants peuvent venir boire leur café face aux montagnes. »
Une architecture au service de l'écologie
Si les logements ont été élaborés par Sylvie Détot et Bijan Azmayesh, la salle commune de 47 m2 a été imaginée et auto-construite (en ossature bois et isolée en laine de chanvre) par les co- habitants à l'occasion de week-ends thématiques. Une conception « un peu freestyle », admet volontiers Sylvie Détot, qui a fonctionné car « il y avait des compétences en interne ». Elle raconte avec humour : « Pour la construction du plan de travail de la salle commune il a bien fallu plus d'une dizaine de réunions. »
Et pour la prise en main des bâtiments labellisés BDM (bâtiment durable méditerranéen) ?
« Tous les habitants ont été à l'initiative de la construction. Au départ, certains m'ont demandé des conseils puis très vite, ils ont consulté le dossier des ouvrages exécutés (DOE). Ils sont tous très autonomes et savent que l'efficacité énergétique est intimement liée à leur usage. La démarche BDM a été notre vade-mecum, notre boussole. Nous avons choisi des orientations, des investissements techniques et des matériaux bio-sourcés en cohérence, sans compter la dimension participative, sociale et économique et la gestion de projet de A à Z par les habitants-investisseurs », souligne-t-elle.
Lors de la première évaluation BDM, les phases de conception et de réalisation ont obtenu la validation de 96 points sur 100 dont 10 de cohérence durable, le maximum. « Nous avons confirmé le bon fonctionnement avec nos retours d'expérience de consommation et de confort car nous avons obtenus 98 points sur 100 en phase usage dont 10 de cohérence durable et 4 pour les innovations telles que la pédo épuration pour les buttes de permaculture ou l'autoconsommation collective du photovoltaïque à l'usage. Les choix architecturaux et techniques sont largement confirmés par les faibles consommations d'énergie et d'eau, la facilité d'usage, et surtout le confort ressenti », remarque-t-elle.
Quid du bilan énergétique ?
L'architecte-habitante assure que les consommations sont très faibles. En moyenne les dispositifs de mesure installées dans les logements annoncent « 19kwh par mètre carré par an de chauffage au bois pellets soit à peu près 95 € par logement par an et une moyenne de 600 € par an pour sept logements du T3 au T5. Pour l'eau, on compte 50 litres par jour et par personne et 19 m3 par personne par an. Enfin, côté consommation électrique, les foyers consomment en moyenne 24kwh par mètre carré par an soit 2000 kwh par logement par an ». Sur cette consommation électrique, 66 % est auto produite (plus de 24 000 kwh/an via des panneaux photovoltaïques) et 55 % est autoconsommée sur place.
Pour atteindre ces objectifs, les architectes ont misé sur plusieurs solutions écologiques : un vitrage avec facteur solaire pour réduire l'apport thermique ; un chauffage individuel avec poêle à granulé made in France ; un chauffe-eau Twido modulaire ; une isolation intérieure au chanvre et extérieure en fibres de bois ; une dalle portée et une isolation des nez de dalles et des cuves de récupération d'eau sous les logements.
Les acteurs du projet :
Maîtrise d'ouvrage :
SCIA Les Colibres
Architectes et paysagistes :
Atelier Ostraka (mandataire)
Sylvie Détot
Hélène Despagne