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Les bailleurs sociaux sonnent l'alarme

Les dirigeants de l'Association régionale des organismes HLM (ARHLM) de Paca-Corse s'inquiètent de la baisse des APL et des loyers contenue dans le projet de loi de finances 2018. Une baisse forcée qui se traduirait par une chute drastique de la construction sociale.
Joël Granier (Grand Avignon Résidences), Bernard Oliver (ARHLM Paca-Corse), Arlette Fructus (SEM Marseille Habitat).
W. Allaire - Joël Granier (Grand Avignon Résidences), Bernard Oliver (ARHLM Paca-Corse), Arlette Fructus (SEM Marseille Habitat).

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« L'heure est grave. » A l'issue du Comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) qui s'est tenu ce 23 octobre à Marseille, Bernard Oliver et les vice-présidents* de l'Association régionale des organismes HLM (ARHLM) de Paca et de Corse ont souhaité tirer la sonnette d'alarme. Et la formule du président de l'ARHLM résume l'inquiétude des dirigeants des bailleurs sociaux face à la nouvelle stratégie logement du gouvernement et notamment la réduction de loyer de solidarité inscrite à l'article 52 du Projet de loi de finances (PLF) 2018. « C'est un hold-up ! », vitupère Bernard Oliver.

« Après la baisse de 5 euros des Aides personnalisées au logement (APL) imposée dès ce 1er octobre à tous les locataires des parcs privé et social, la nouvelle baisse de 60 euros octroyée à tous les locataires de notre parc met en péril notre modèle économique. La compensation sous forme de réduction de loyer que le gouvernement prévoit de nous imposer représente en année pleine une perte de recette locative de l'ordre de 133 millions d'euros, soit l'équivalent en fonds propres de la production de 6 600 logements neufs », râle le président de l'ARHLM.

« Cet article 52, c'est 10 % de recettes en moins », calcule Pascal Friquet, le président du directoire de l'Entreprise sociale pour l'habitat (ESH) Logis familial varois (groupe Logement français).

La production freinée ?

« Ce coup de rabot va nous contraindre à réduire notre production et à différer des opérations rénovation urbaine », renchérit Martial Aubry, directeur général de l'Office public de l'habitat (OPH) Var Habitat. Par effet domino, c'est toute la chaîne de la construction qui risque d'être impactée. « Aujourd'hui, près de 60 % de la production HLM régionale est réalisée via des opérations en Vefa [Vente en état futur d'achèvement, NDLR]. Avec le tassement de la production, ce sont les promoteurs et des entreprises du bâtiment qui subiront le contrecoup », prévoit le président de l'ARHLM. Un choc pour le secteur du BTP régional qui réalise 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires avec les organismes HLM, soit l'équivalent de 19 500 emplois directs ou induits. Mais aussi pour les bailleurs eux-mêmes. « Avec les regroupements qui s'annoncent, il y aura fatalement des plans sociaux au sein des organismes », annonce Bernard Oliver. Et ce dernier de décrire un scénario catastrophe avec la mise entre parenthèses des Conventions d'utilité sociale (CUS), feuilles de route que les organismes doivent signer avec l'Etat pour la période 2018-2023.

A l'unisson d'Arlette Fructus, la présidente de la Société d'économie mixte (SEM) Marseille Habitat, les bailleurs dénoncent « l'injonction paradoxale du gouvernement qui nous demande de construire plus de logements tout en touchant au nerf de la guerre ». « C'est une équation insoluble », se plaint l'élue marseillaise qui est également vice-présidente de la métropole Aix-Marseille Provence déléguée à l'habitat.

« Avec cette réforme, la métropole marseillaise sera dans l'incapacité d'atteindre l'objectif de production de 5 000 logements sociaux que nous avait fixé l'Etat en 2017 », prédit-elle.

Déjà, les premiers signes d'un tassement de la production se font sentir. « D'après les données du CRHH, si tout se passe bien, on devrait atteindre le chiffre de 9 500 logements agréés cette année dans la région, loin des 13 500 escomptés et des 12 600 logements produits en 2016 », se désole Pascal Friquet.

Le désengagement de l'Etat touche également de plein fouet les collectivités, partenaires incontournables des bailleurs sociaux. « Avec la baisse des dotations de l'Etat, les collectivités sont contraintes de serrer les boulons. A terme, certaines seront dans l'incapacité de garantir les emprunts des organismes », s'alarme Joël Granier, le président de l'OPH Grand Avignon Résidences. Pour cet élu vauclusien qui est également vice-président du Grand Avignon délégué à l'habitat, le pire est à venir : « les deux offices publics vauclusiens, Mistral Habitat et Grand Avignon Résidences, seront dans le rouge en 2018 ». Une descente aux enfers financiers qui risque d'entraîner dans sa chute les collectivités qui garantissent les emprunts de ces organismes.

Un changement de modèle ?

Alors que l'Union sociale pour l'habitat (USH) a lancé une grande campagne de lobbying dans les médias pour alerter l'opinion sur « l'impact de la baisse des APL sur la solidarité nationale », les représentants des bailleurs avancent des contre-propositions : «

Nous ne sommes pas opposés aux réformes. Nous sommes tous d'accord pour revisiter le système. Nous sentons confusément que nous sommes à la veille d'un changement du modèle social. Il faut simplement nous laisser le temps de bâtir un nouveau modèle consensuel », avance Arlette Fructus.

Un aggiornamento qui impliquera, selon l'élue, « la définition d'une nouvelle stratégie territorialisée tenant compte de la réalité des besoins locaux ».

Pour Bernard Oliver, le scénario est écrit : « Derrière ces annonces, c'est la privatisation du mouvement HLM qui se profile », commente le président de l'ARHLM. Une privatisation qui se traduira « par la constitution de grands groupes nationaux adossés à des grands organismes financiers », au détriment des offices publics condamnés à se fondre dans la masse. Cette perspective n'a évidemment pas échappé aux dirigeants des OPH : ce 17 octobre, 200 offices publics de l'habitat ont baissé le rideau pour protester contre l'article 52 du PLF 2018.

* Trois des sept vice-présidents de l'ARHLM étaient présents : Martial Aubry, directeur général de l'OPH Var Habitat, Arlette Fructus, vice-présidente de l'OPH Habitat Marseille Provence, et Joël Granier, président de l'OPH Grand Avignon Résidences, Pascal Friquet, président du directoire de l'ESH Logis familial varois.

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