Après une année 2020 marquée par un sérieux coup de frein à la production d’HLM dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (7 301 HLM agréées en 2020 contre 9 965 en 2019 et un pic de 12 602 en 2016), les perspectives 2021 ne s’annoncent guère meilleures. « 2021 ne sera pas brillante. On a identifié quelque 7 500 dossiers d’agréments. C’est loin de l’objectif de 11 740 logements fixé par l’Etat pour cette année », pose Pascal Friquet. Un objectif lui-même loin de répondre aux besoins. « Il faudrait produire 20 000 logements sociaux par an durant dix ans pour combler le déficit régional », souligne le président de l’association régionale des HLM Paca-Corse.
Paca : l'Etat revoit à la baisse les objectifs de production HLM en 2021
Au sortir d’une année 2020 plombée par la crise sanitaire et le report des élections municipales, deux freins qui ont bridé leur capacité de production, les représentants des organismes HLM espéraient une éclaircie. Las.
« La politique du zéro artificialisation nette (ZAN) tend à se généraliser. On nous demande de reconstruire la ville sur la ville. Sur le principe, nous y sommes tous favorables. Mais il faut s’en donner les moyens. Réaliser des opérations d’acquisition-amélioration dans les centres anciens est une affaire de longue haleine : cela coûte très cher – de l’ordre de 2 000 euros le mètre carré contre 1 400 euros pour un projet de construction neuf - et ne concerne que de petits programmes », se lamente Pascal Friquet.
Et le patron de Logis familial varois de pointer « l’injonction paradoxale de l’Etat » qui demande aux organismes de produire tout en sclérosant leurs capacités de construction sur le terrain par le refus de l’extension urbaine.
Le foncier trop rare, trop cher...
L’Etat a certes donné un coup de pouce financier aux projets d’acquisition-amélioration au travers du plan de relance. « Mais pour intervenir dans la dentelle d’un centre-ville il faut que la commune maîtrise le foncier. Sinon, les opérations prennent énormément de temps... », soupire le président de l’Arhlm. La maîtrise foncière : dans une région au marché immobilier hypertendu, les bailleurs sociaux partent avec plusieurs longueurs de retard par rapport aux promoteurs.
« On ne peut pas lutter contre les opérateurs privés qui font de la surenchère, proposant des prix deux fois plus élevés pour s’approprier des terrains dans les zones tendues. L’établissement public foncier régional joue bien un rôle de régulateur, mais son action reste ponctuelle, cantonnée aux communes avec lesquelles il a noué des conventions », explique le dirigeant.
Les nouveaux dispositifs d’accession sociale comme le bail réel solidaire (BRS) permettent d’élargir la palette de l’offre à prix maîtrisé. Mais là encore, il y a loin de la coupe aux lèvres. « Le BRS reste réservé à la frange la moins défavorisée de la clientèle des logements sociaux. Les locataires des logements PLAI et PLUS qui constituent le gros de nos clients n’ont tout simplement pas les moyens de s’engager dans un BRS », avance Pascal Friquet.
La chute vertigineuse des permis
Dans une région qui compte un nombre record de communes carencées (83) parce qu’elles ne produisent pas suffisamment de logements locatifs sociaux, l’enjeu de la relance de la production se heurte au mur d’une réalité où la frilosité politique endémique la dispute à la vogue récente du « stop au béton ». « Après avoir chuté de manière considérable l’an dernier, le nombre de permis de construire délivré continue à se réduire comme peau de chagrin. Depuis le début 2021, le nombre d’autorisations de construire a dégringolé de 40 % », égrène le bailleur. « Moins de permis, c’est autant de logements sociaux qui ne seront pas construits en propre par les organismes et par le truchement des Vefa [vente en état futur d’achèvement, NDLR] », ajoute-il. Et de pointer l’effet malthusien des chartes de la construction durable mises en place par les métropoles, à Nice et sur Aix-Marseille : « Le mieux est l’ennemi du bien. Ces chartes créent des difficultés supplémentaires », maugrée le président de l’Arhlm.
Au-delà de l’impact sur la dimension du parc social, ce coup d’arrêt de la construction n’est pas sans conséquence sur le plan économique. « Les bailleurs sont des acteurs économiques de premier plan qui investissent chaque année quelque 1,3 milliard d’euros dans les travaux de construction et de réhabilitation-maintenance en Paca. Ils jouent également un rôle d’amortisseur social en logeant des publics fragiles, des jeunes qui ont du mal à trouver un toit dans le parc privé, des personnes âgées qu’ils aident à maintenir dans leur domicile, évitant par là même des frais d’hébergement dans des structures spécialisées comme les Ehpad. Enfin, par delà cette mission de logeurs, les loyers modérés qu’ils proposent permettent de dégager du pouvoir d’achat pour les locataires. »
Une loi SRU trop stricte ?
Reste la question de fond : la frilosité politique des maires de la région, encore très nombreux à s’opposer à la réalisation d’HLM sur le sol de leur commune. « Le quota de 25 % de logements sociaux imposé par la loi SRU est devenu contreproductif. Lors des deux dernières périodes triennales, le nombre de communes carencées de la région est passé de 69 à 83. Et sur cette liste, on retrouve peu ou prou toujours les mêmes. Pour beaucoup de maires frappés d’un arrêté de carence préfectoral, les sanctions sont trop sévères. Il se sentent traités en parias et renoncent à rattraper leurs retards », constate Pascal Friquet. Et d’en appeler l’Etat à « une lecture moins coercitive de la loi pour que les objectifs de rattrapage ne soient pas irréalistes d’ici 2025 ».
« A force, le bâton devient inefficace », grince le président de l’Arhlm.
Un constat qui figure en toile de fond d’un article du projet de loi relatif « à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration » (loi dite « 3DS »). Ce texte qui est actuellement examiné au Sénat prévoit justement de pérenniser le dispositif SRU et d’en préciser les contours au-delà de l’échéance 2025.
Une réforme des attributions qui inquiète
Dans un contexte politique marqué par la frilosité des maires, la réforme des attributions de logements sociaux prévue par la loi Elan est vécue comme un nouvel obstacle par les bailleurs. « Cette réforme modifie la gestion des contingents réservataires. En passant à la gestion en flux des attributions, l’Etat va passer d’un rôle d’attributaire à celui de garant du droit au logement. Il va falloir convaincre les réservataires de nos logements que ce passage à une gestion en flux ne va pas bouleverser la façon dont nous leur proposons des logements, qu’ils pourront conserver les droits de réservation qu’ils possèdent jusqu’à présent. Ce n’est pas une mince affaire car les craintes sont grandes devant ce changement profond des procédures. Quand la moitié du contingent d’Action Logement est mobilisée par l’Etat, cela crée un attentisme. Si les maires perdent complètement la main sur les attributions, ils ne voudront plus construire... », s’inquiète Pascal Friquet.
Conscient des difficultés, le gouvernement a repoussé à 2023 l’entrée en application de cette réforme. D’ici là, le président de l’Arhlm plaide pour réunir autour de la table les trois grands réservataires : Etat, Action Logement et collectivités « pour dégager un compromis intelligent. Sinon, la réforme sera vouée à l’échec ! ».