Cinq ans après une précédente étude qui estimait entre 30 600 à 36 400 le nombre de logements à construire chaque année en Provence-Alpes-Côte d'Azur pour satisfaire les besoins dans la région, l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques), la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) et la région Paca viennent de publier un nouveau diagnostic qui pointe une stabilité des chiffres. « Pour répondre aux besoins des personnes actuellement mal-logées et faire face à la hausse du nombre de ménages, il faudrait produire environ 29 000 résidences principales par an entre 2018 et 2030 si les tendances socio-démographiques se prolongent », analyse Alberto Lopez, directeur régional de l'Insee.
Un bon tiers de cette offre supplémentaire (11 900 logements) serait destinée à répondre à l'accroissement du nombre de ménages : « Le vieillissement de la population qui réduit la taille des ménages et l'émergence de la décohabitation expliquent cette évolution », illustre Pascale Rouaud, l'une des auteure de l'étude à l'Insee. D'ici 2030, la taille des ménages devrait rapetisser à 2,1 personnes en moyenne, contre 2,5 en 1990.
Le défi du mal-logement
Le solde de l'offre supplémentaire (19 200 logements) serait destiné à la résorption des situations de mal-logement. « Il faudrait trouver chaque année une solution à 27 800 ménages actuellement mal-logés », constate Côme Rizza, de la Dreal. Pour les 18 zones d'emploi de la région Paca, « ces besoins concernent plus de 340 000 ménages mal-logés, dont près des trois quarts occupent un logement trop cher, de mauvaise qualité ou trop petit », relève l'étude. Et ces besoins se concentrent à 80% sur les six principales zones d'emploi de Paca (Aix-en-Provence, Avignon, Cannes-Antibes, Marseille-Aubagne, Nice et Toulon).
(Crédit : rapport de l'Insee, juillet 2019)
Marseille, Toulon et Nice captent 52% des besoins
Evolution démographique et tensions du marché immobilier laissent apparaître un besoin de production de résidences principales d'ici 2030 « représentant 15,2 % du parc actuel de résidences principales », indique l'étude. Ces besoins se concentrent évidemment (52%) sur les trois principaux bassins d'emploi de la bande littorale, les zones les plus peuplées : Marseille-Aubagne, Nice et Toulon. Dans la zone d'emploi de Marseille-Aubagne, où les besoins sont élevés par rapport au parc existant (18,5 %), il faudrait produire au total 108 200 résidences principales d'ici 2030. A Nice et à Toulon, les besoins sur la même période sont estimés à respectivement 40 100 et 37 200 résidences principales.
« Ce chiffre de 29 000 à 30 000 logements annuels, c'est peu ou prou ce que la région produit chaque année », observe Corinne Tourasse, directrice de la Dreal Paca. Avec un bémol toutefois : « La production n'est pas adaptée aux besoins avec une offre d'habitat trop onéreuse et une part de résidences secondaires trop importante, qui atteint jusqu'à 40% du parc par endroit », souligne-t-elle. Si l'addition des programmes locaux de l'habitat (PLH) des communes et de leurs groupements est elle aussi calée sur cet objectif de production de 30 000 logements/an, c'est la qualité de l'offre qui est à surveiller. « Les politiques publiques doivent s'adapter. Il faut notamment produire du parc social et renforcer la rénovation de celui privé », insiste Corinne Tourasse.
Rayon HLM, le renforcement des sanctions SRU (solidarité et renouvellement urbain) et la signature en 2014 d'une charte partenariale entre l'Etat, la Région et les acteurs de l'habitat ont semble-t-il produit leurs effets. « Jusqu'en 2013, on vivotait autour de 6 000 HLM agréées par an et on est aujourd'hui au dessus de 10 000. Mais il en faudrait 13 000 », lance la directrice de la Dreal. Quant au parc privé, dont le mauvais état a été cruellement mis en lumière par le drame de la rue d'Aubagne le 5 novembre 2018 (l'effondrement de deux immeubles de cette rue du centre de Marseille a fait huit victimes), sa remise à niveau reste un défi : « La rénovation du parc ancien est un enjeu majeur. L'Anah, l'Agence nationale de l'habitat, a des budgets qu'elle a du mal à mobiliser. Dans les copropriétés, c'est très compliqué. » Et la directrice de la Dreal d'en appeler à un engagement plus affirmé des collectivités sur ce sujet. Les chiffres de l'étude soulignent l'urgence : 23 800 résidences principales sont à produire annuellement dans le parc social et dans le parc privé pour résorber les besoins des ménages en difficulté. Un tiers de ces besoins (7 100 logements) concernent des logements en mauvais état occupés par leur propriétaire.
Draguignan, Gap et Briançon vont devoir mettre les bouchées doubles
Les besoins de production ne sont pas uniformes sur le territoire : « Ils dépendent de l'intensité du mal-logement actuel, du dynamisme démographique local, du vieillissement de la population et des caractéristiques du parc résidentiel de chaque ville », explique Côme Rizza.
A cette aune, à proportion de leurs populations actuelles et projetées, ce sont trois zones d'emploi de l'arrière-pays (Draguignan, Gap et Briançon) qui présentent les plus forts besoins : à Draguignan, il faudrait produire 13 500 résidences principales supplémentaires pour répondre aux besoins d'ici 2030, soit 24,7 % du parc actuel. A Gap, la production nécessaire de résidences principales s'élèverait à 21% du parc actuel (10 700 logements). Et elle atteindrait 19,6% du parc actuel dans la zone d'emploi de Briançon (3 400 logements).
(Crédit : rapport de l'Insee, juillet 2019)
Les besoins relativement élevés dans ces trois territoires s'expliqueraient principalement par la croissance démographique soutenue (Draguignan) et par un vieillissement de la population (Gap, Briançon).
À l'inverse, selon l'étude, les besoins sont proportionnellement les plus faibles dans les zones d'emploi d'Istres-Martigues (10,7% du parc actuel de résidences principales), Cannes-Antibes (12,1%), Fréjus-Saint-Raphaël (12,3%) et Orange (12,3%).