Les chiffres sont là. La hausse moyenne des prix des matières premières des professionnels du BTP s’établissait à 9 % pour l’année 2021. Elle atteint également 9 % au premier trimestre 2022. Christian Pons, président de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Vaucluse (FBTP 84), s’est appuyé sur ces chiffres pour plaider la cause de la profession devant le préfet de Vaucluse, Bertrand Gaume. « Nous pensions que les difficultés des années Covid étaient derrière nous. La situation est encore plus grave aujourd’hui », insiste-t-il. Avant d’avancer ces arguments dans le cadre des réunions du plan de Résilience, Christian Pons a réalisé une enquête précise auprès des responsables des neuf sections qui forment la Fédération.
« Nous travaillons sur le déboursé sec qui prend en compte l’addition du prix des matériaux et de la main d’œuvre. Suivant les corps de métiers, certaines entreprises travaillent sans marge, d’autres à perte, à l’exemple des serruriers et des métalliers confrontés à la hausse spectaculaire du prix des métaux. A cela s’ajoute le déploiement des normes environnementales comme la RE 2020 qui accroît de 10 % à 15 % le prix des chantiers. »
Surcoûts à partager
« Heureusement, l’Etat reste toujours à nos côtés grâce au "Quoi qu’il en coûte", reprend le président de la Fédération du BTP 84. La récente circulaire gouvernementale (30 mars 2022) demandait à la commande publique d’intégrer des phénomènes inflationnistes. Il n’en reste pas moins que certaines collectivités locales nous demandent de prouver l’imprévisibilité de la situation, pour assouplir l’exécution du contrat, ce qui nous est impossible. Sensibilité sur le sujet, le préfet nous a assuré rappeler les termes de la directive à la commande publique ».
Christian Pons souligne également la dangerosité de cette vague inflationniste à l’heure où certaines entreprises entrent en phase de remboursement de leur PGE contracté pendant la Covid. « La solution ? Les marchés doivent être révisables ! », affirme le président qui ajoute que l’Insee publie, désormais, les 37 indices concernant la filière tous les 45 jours contre tous les 90 jours pour faciliter la réactivité d’une telle mesure. Il souligne également une certaine souplesse de la part de petits et moyens donneurs d’ordre privés pressés de voir leurs projets sortir de terre. A contrario, il déplore la rigidité de certaines grosses entreprises arrêtées sur leur plan de financement initial, « alors que le code civil prévoit l’imprévision et la force majeure », rappelle-t-il.
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Train de mesures
Face à une telle situation, le préfet Bertrand Gaume, Christian Pons, appuyé par Gilbert Marcelli, président de la CCIT 84, envisagent plusieurs solutions. Tout d’abord, faire appel au médiateur de la République pour solutionner en amont et rapidement certains litiges. Ensuite, organiser, dans les prochaines semaines, une réunion régionale des investisseurs privés, sous la houlette du préfet de Région et sous l’impulsion du préfet de Vaucluse, pour envisager des solutions communes de partage des surcoûts. Etat et fédérations travaillent également à l’accélération du versement des subventions aux collectivités locales pour soulager la trésorerie des entreprises. Les parties prenantes comptent aussi accroître la rapidité du versement des Primes Rénov’. Enfin, Christian Pons milite pour une variation du taux actuel de chiffre d’affaires consacré à l’achat d’énergie pour toucher des subventions. Un véhicule de travaux public consomme 400 litres de carburant par jour !
Moins disant
L’organisation patronale vauclusienne intime les services locaux de l’Etat à renforcer les contrôles sur les chantiers dans la lutte contre la fraude, phénomène qui tire les prix vers le bas. Elle incite les donneurs d’ordre à travailler sur les dossiers techniques en phase avec la réalité de la situation inflationniste pour ne pas tomber sous les sirènes du moins disant. « La répétition de mobilisations locales incitera le gouvernement à accélérer la mise en place d’un train de mesures », confie Christian Pons. Enfin, la Fédération BTP 84 se félicite du maintien du soutien jusqu’à la fin de l’année des entreprises contraintes à une activité partielle.
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Ruptures de stocks
Chiffres à l’appui, l’inflation mensuelle s’élève globalement à 2 % avec déjà des pénuries sur le mélèze, le chêne, les panneaux OSB (des panneaux de lamelles de bois orientées), les câbles électriques, le carrelage, une industrie très sensible aux coûts de l’énergie. Les délais de livraison s’allongent à l’image des cellules haute tension (HTA) qui accusent 56 semaines de retard. « Nous demandons un gel des pénalités de retard quand nous ne pouvons pas être livrés », insiste Christian Pons. La guerre en Ukraine, la reprise économique dans le monde et notamment en Chine et les goulots d’étranglement qu’elles génèrent accroissent de 8 % à 10 % les prix de vente quand les marges moyennes des entreprises stagnent entre 0 % et 3 % de résultat. Le dramatique calcul de rentabilité est facile à faire.