TPBM : Cette crise est-elle un révélateur pour le syndicalisme, notamment patronal ?
Isabelle Lonchampt : Plus que jamais en cette période où les entreprises souffrent, sont fragilisées, notamment celles de la construction, le rôle du syndicalisme redevient essentiel. Nos adhérents ont besoin d'être informés, aidés, représentés et c'est important de faire jouer les solidarités.
Concrètement, comment cela se traduit-il pour la Fédération du BTP que vous présidez ?
Par un gros travail de collecte des informations disponibles, notamment des aides et textes de loi du gouvernement. Notre équipe de juristes les analyse et les traduit. Ensuite nous les faisons passer à nos adhérents deux fois par jour, au début de la crise, puis une fois maintenant via une newsletter spéciale. Nos équipes sont aussi constamment au téléphone avec les adhérents qui appellent. Et puis il y a le travail de représentation à faire. Ce sont les participations aux réunions avec les autorités, pouvoirs publics et autres acteurs économiques, afin de porter la voix des entreprises de la construction, de faire remonter leurs problèmes, leurs attentes. Je tiens à dire à ce sujet que nous avons eu une oreille très attentive du préfet de région.
Comment se porte la profession ?
80 % des chantiers sont à l'arrêt dans le département… Il ne reste que quelques chantiers, ou alors les interventions d'urgence et de petits chantiers où interviennent très peu d'artisans. Donc les entreprises souffrent. Et nous ne voyons pas de perspectives réjouissantes à moyenne échéance. Il faut aussi avoir en tête que la période des municipales n'est jamais très bonne pour la construction. Là, avec le report des élections et l'ordonnance qui gèle toutes les instructions et dépôts de permis de construire jusqu'au 26 juin, plus cette crise qui a stoppé tous les chantiers et avec des conditions de reprise qui seront éprouvantes, les métiers de la construction s'apprêtent à traverser une période dramatique de huit mois…
Comment sortir au plus vite de ce tunnel ?
Par la solidarité interprofessionnelle, la prise de conscience de la situation par les pouvoirs publics et la nécessité de redonner tout son sens au syndicalisme, comme je vous le disais. La réouverture de chaque chantier sera un cas particulier, un combat. Il va falloir que tout le monde se mette autour de la table afin de se serrer les coudes et de revoir les plannings, la répartition des charges financières, les interventions de chacun, car les entreprises ne pourront pas porter tout toutes seules. Je pense au coût de la sécurité, notamment sanitaire de nos équipes. C'est à mes yeux le plus important : protéger les salariés et derrière, les entreprises et chefs d'entreprise.
La réouverture des chantiers sera complexe ?
Au-delà des questions de sécurité sanitaire et des questions techniques de reprise du travail, se pose celle de la rentabilité qui sera encore moins bonne que d'habitude pour les entreprises. Les coûts vont augmenter : durée du chantier rallongée en raison des nouvelles contraintes, location plus longue des outils, etc… Les entreprises ne pourront pas tout assumer ! Il faudra que les institutions prennent leur part, notamment sur le coût de la sécurité sanitaire. Il y a urgence à faire preuve de solidarité !