TPBM : Comment réagissez-vous aux annonces faites ce mercredi 10 juin par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de Finances rectificative Covid-19 ?
Isabelle Lonchampt : Un certain nombre d'annonces vont dans le bon sens pour l'économie, mais je regrette qu'il n'y ait rien de spécifique ou très peu pour le BTP. Il n'a pas été tenu compte des spécificités de nos métiers et de l'ampleur des conséquences de cette crise sur notre activité. Le Gouvernement parle d'un plan de relance du BTP pour septembre, mais à ce moment-là, il sera trop tard… Il faut savoir que seulement 20% de nos entreprises ont un carnet de commande à six mois. Si les projets de construction ne sont pas relancés très vite, ce sera une catastrophe pour les entreprises du BTP. J'aurais aussi aimé que le Gouvernement demande aux préfets de mettre en place des commissions de suivi de la commande publique. Il en existe dans certains départements, mais pas dans tous et pas dans les Bouches-du-Rhône. Une telle commission a le mérite de rassembler tous les acteurs autour de la table, afin de régler les problèmes.
Pourtant dans un communiqué, la Fédération française du bâtiment et celle des Travaux publics interpellaient le Président de la République sur un certain nombre de points, notamment sur les surcoûts des chantiers. Cette question n'a pas été réglée par des négociations au cas par cas ?
Pas du tout ! Dans 87 % des cas les entreprises assurent seule le surcoût lié à la mise en place des mesures sanitaires et au ralentissement des chantiers. Il y a de temps en temps des négociations, mais pas partout et elles n'aboutissent pas toujours. Il est aussi délicat d'estimer ce surcoût, chaque chantier étant unique. On peut le savoir notamment sur la partie liée aux équipements à acheter, au nettoyage, à l'installation de baraques de chantier supplémentaires, à des locations plus longues… Pour comprendre, il faut avoir en mémoire que dans le BTP les marges sur un chantier sont de 2 à 3%. Rien que pour le poste de main d'œuvre le surcoût est estimé entre 10 et 20%. C'est déjà important et il y aura un impact sur la rentabilité des entreprises.
Que va-t-il se passer s'il n'y a pas d'accord national ou local sur la prise en charge du surcoût ?
C'est simple, les entreprises vont travailler à perte, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer…
L'autre point d'inquiétude soulevé dans le communiqué est la commande publique. La baisse de l'investissement local vous fait peur ?
Comme je vous l'expliquais les entreprises du BTP vont sortir fragilisée de cette crise. En ce moment elles se battent pour reprendre les chantiers, c'est-à-dire vivre sur leur carnet de commande. Mais si de nouveaux projets ne voient pas le jour que va-t-il se passer ? Ma crainte est pour le dernier trimestre 2020 et le premier de 2021. Nous avons vécu une période électorale, qui est toujours pour nous signe de baisse d'activité, nous avons subi le confinement, nous relançons les chantiers avec les difficultés évoquées. Si les collectivités ne relancent pas de grands ou petits chantiers, cela va être dramatique pour nos entreprises. Je vous rappelle que le BTP dans les Bouches-du-Rhône représente 40 000 emplois directs et 25 000 indirects…
Que se passera-t-il si la commande publique ne repart pas ?
Dans le contexte économique actuel nos entreprises entament leur trésorerie. Elles ne peuvent plus se permettre d'avoir un trou d'air. C'est à la fin de l'année et au début de 2021 que la casse va se produire si rien n'est fait. Il faut relancer l'activité et il faut aussi que la commande publique soit plus réactive. Nous sommes dans une situation inédite, il faut donc des réponses inédites et ponctuelles si besoin. Il faut gagner du temps sur le dépôt des permis de construire, sur les marchés publics, le démarrage des chantiers. Tout le processus est à accélérer et simplifier. C'est le message que je fais passer avec mon équipe auprès des élus et responsables des collectivités. Nous demandons notamment que les mairies puissent récupérer à la métropole les instructions des DIA [Déclaration d'intention d'aliéner, ndlr] afin qu'elles soient traitées plus rapidement.
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La reprise des chantiers est-elle effective ?
Selon un sondage réalisé cette semaine auprès de nos adhérents presque 100% des chantiers sont ouverts. Mais toutes les entreprises n'ont pas repris sur les chantiers à cause des contraintes et des interventions décalées. Elles seulement 56% à avoir une activité normale.