AccueilTerritoires« Il n'est pas normal que les ponts soient de la compétence des maires »
Christian Tridon, président du Strres

« Il n'est pas normal que les ponts soient de la compétence des maires »

Le 18 novembre, un pont s'effondrait à Mirepoix-sur-Tarn en Haute-Garonne, tuant une adolescente et un chauffeur de camion. Si de telles catastrophes sont aujourd'hui assez rares, elles pourraient se multiplier dans les années à venir. C'est en tout cas la crainte de Christian Tridon, président du Syndicat national des entrepreneurs spécialistes de travaux de réparation et renforcement des structures (Strres) qui reproche à l'Etat un manque d'implication dans la gestion de ces ouvrages.
Christian Tridon, président du Strres, tire la sonnette d'alarme sur la gestion des ponts en France.
E. Griffe - Christian Tridon, président du Strres, tire la sonnette d'alarme sur la gestion des ponts en France.

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TPBM : Connaissez-vous le nombre de ponts en Paca ?
Christian Tridon : Je n'ai pas de chiffres précis pour la région. Mais je pense que Paca, par son relief, a un nombre de ponts plus important que d'autres régions. Il y en a 200 000 en France, soit en moyenne 15 400 par région. En Paca, il va peut-être falloir majorer cette moyenne de 20 ou 30 %.

Quelle est la qualité des ouvrages ?
Elle est pratiquement la même qu'au niveau national. Le béton armé a vieilli de la même manière. J'espère qu'il a été mieux entretenu qu'ailleurs mais ça reste à prouver. Le processus naturel de corrosion des aciers à l'intérieur du béton se propage. On va avoir des ouvrages qui ne seront plus du tout capables de supporter les charges qu'on leur impose aujourd'hui. Ça a été le problème de Mirepoix. Le pont était limité à 19 tonnes. Alors si on passe avec un camion de 51 tonnes dessus, bien sûr qu'il y a des risques. Les ouvrages comme ça sont très fragiles et leurs pathologies potentielles très sensibles. Donc ils doivent profiter d'une qualité de maintenance suffisante.

La majorité des ponts en France a été construit pendant les années 50-60. Ils sont plus fragiles que des ouvrages plus anciens ?
Pendant 18 siècles, on a construit avec de la pierre, du matériau minéral. Ces ouvrages ont leurs problèmes ! Mais ils pouvaient tenir des siècles sans problème particulier.
Le béton armé, c'est autre chose. C'est un assemblage de matériaux naturels comme la chaux par exemple, et l'acier. Seulement, ils ne font pas bon ménage puisque par réaction chimique, la chaux va provoquer la corrosion des armatures.

C'est donc un problème de matériau ?
Bien sûr ! On a toujours dit : un pont, on le construit pour 100 ans. Mais aucun n'est arrivé jusque-là. On voit bien que certains d'entre eux, à 70 ans, sont en bout de course. Le cahier des charges du viaduc de Millau imposait que l'ouvrage puisse garder son service pendant 120 ans. Mais on ne sait pas du tout comment il sera dans 100 ans ! Il a été construit avec la connaissance que l'on a des pathologies d'aujourd'hui. Donc on va tout faire pour le protéger afin qu'il dure le plus longtemps possible. C'est le même problème qu'en médecine. Il peut développer dans 80 ans une maladie qu'on ne connaît pas aujourd'hui.

Connaît-on l'état général des ponts en France ?
Non, il n'y a pas d'inventaire. Les services de l'Etat gèrent 12 000 ponts. Ce n'est pas grand-chose. Les autres sont gérés par les départements et les communes. Et on estime qu'il y a entre 30 et 40 % des ouvrages que l'on ne va plus voir régulièrement.

Pour quelle raison ?
Depuis la décentralisation, l'Etat a tout délégué. Et le bout de la chaîne, c'est le maire. Celui qui a une commune de 5 000 habitants, s'il n'est pas ingénieur génie civil, il n'a pas la compétence pour connaître son pont. Alors sur son budget annuel, il met une somme, au hasard, pour son entretien. C'est le système qu'on a créé qui veut ça. Et aujourd'hui, on en subit les conséquences, qui sont exponentielles.

Donc personne ne veut vraiment s'en occuper ?
Autrefois, l'Etat était représenté sur le terrain par des DDE [Directions départementales de l'équipement, ndlr]. Et chacune d'entre elles était subdivisée. Il n'y avait pas un maire qui n'avait pas dans un rayon de 50 km un ingénieur ou un technicien de l'Etat à sa disposition pour lui signaler les problèmes sur les ponts. Désormais, le maire n'a plus ça. Aujourd'hui, il faut repenser l'assistance à la maîtrise d'ouvrage.

Finalement, on entreprend des travaux sur les ponts quand ils atteignent un état critique ?
Voilà. On est dans le curatif, uniquement. On joue les pompiers.

Que pensez-vous du « plan Mashall » pour la surveillance des ponts demandé par les sénateurs ?
Ils se sont bien rendu compte qu'il fallait faire quelque chose. Globalement en France on met 800 millions d'euros tous les ans, censés financer l'entretien des ponts. Il en faudrait 3 milliards pour une gestion « en bon père de famille » comme on dit. Mais il y a aussi la remise à niveau.

Mais où trouver ce budget ?
Il y en a de l'argent. Il y en a dans les Départements, les Régions... Après, ça se passe au palais Bourbon ! Ce sont à nos députés de revoir le système. Il n'est pas normal que les ponts soient de la compétence des maires.

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