Sur son arrivée
« Il y a eu une période de tension fin 2016. C'est un peu dommage… En tant que fonctionnaire d'Etat, mon détachement à la direction de l'Epadesa* était arrivé à échéance le 7 octobre 2016. Je n'en avais pas demandé le renouvellement et étais en attente d'une autre affectation. Si j'ai finalement accepté de revenir à Marseille, c'est par la force de conviction du maire de Marseille qui m'a dit : "Vous connaissez bien la région". Effectivement, entre mon passage comme préfet de police à Marseille, préfet du Vaucluse, du Var et des Bouches-du-Rhône, j'ai passé près de 13 ans dans la région… »
Sur son expérience à la tête de l'Epadesa
« Le métier d'aménageur est un métier du temps long. On apprend à regarder la qualité des choses. […] Quand vous êtes préfet, vous êtes un régulateur. Quand vous dirigez un EPA, vous êtes acteur. Un établissement public d'aménagement est une entreprise au service de l'intérêt général avec en toile de fond un enjeu d'équilibre économique. »
« Je me vois plus comme un dirigeant d'entreprise que comme un gestionnaire. »
Epadesa vs Euroméditerranée
« L'Epadesa vit sans subventions publiques dans un contexte politique infiniment moins consensuel que celui de l'EPA Euroméditerranée […] La Défense regroupe 3,5 millions de mètres carrés de bureaux. Lors de mon passage, on a lancé le projet des Groues, un nouvel espace situé au-delà de la grande Arche qui comprendra 7 000 logements neufs et 500 000 mètres carrés de bureaux. Sept mille logements, ce n'est que la moitié de ce qui sera réalisé sur l'Ecocité Euromed' II… »
« Je suis soufflé par la qualité et la cohérence de qui a été réalisé ici en deux décennies. C'est un travail considérable dont je ne suis pas sûr que l'on ait conscience ailleurs… Mais les efforts accomplis ne serviront à rien si la dynamique ne se prolonge pas sur l'extension. Si le mouvement s'arrêtait, Euromed' I ne serait qu'un quartier tertiaire, ce qui n'était pas l'objectif initial de l'Etat et des collectivités… »
Sur le renouvellement urbain
« Il faut arrêter de concevoir des quartiers monofonctionnels. Il est indispensable de développer toutes les fonctions de la ville. La qualité de l'environnement urbain est un des leviers de l'attractivité des villes. Pour cela, nous devons tenir compte des nouvelles tendances, de l'évolution des modes de vie… une ambition plus facile à mettre en œuvre dans les quartiers nouveaux en développement que dans les secteurs de renouvellement urbain. Le rapport au travail évolue avec l'émergence du coworking, des tiers lieux, de l'auto-entrepreneuriat… Il faut également penser aux fonctions sociales des pieds d'immeubles. Dans le logement, la tendance est au partage. Travail, loisirs, commerces… demandent une relation plus homogène. Les jeunes ont un nouveau rapport au temps. Les besoins de mobilité évoluent au profit des modes doux. On cherche à diminuer l'empreinte énergétique des immeubles. Tous ces changements bouleversent le logiciel de la fabrique de la ville. Inutile de faire du béton s'il n'y a pas de l'humain dedans ! Et Euroméditerranée a pris un temps d'avance sur tous ces sujets. »
La ville d'hier et de demain…
« Dans toutes les grandes métropoles, la créativité se nourrit du passé, du patrimoine constitué au fil des siècles. Prenez Google : ce n'est pas pour rien que ses dirigeants préfèrent rester dans un immeuble pourtant trop exigu situé dans le quartier de l'Opéra, à Paris. Ses créateurs et ses développeurs travaillent dans les restaurants du quartier. »
« Une ville est faite d'habitudes, elle est riche de son histoire. Un investisseur n'investit que s'il a devant lui une histoire… »
« Mais le patrimoine ne se résume pas aux monuments. C'est aussi le respect des gens et de leurs usages. Si la greffe ne prend pas, cela a de fortes répercussions économiques… »
Les investisseurs
« Il n'y a jamais eu autant d'argent à investir. Compte tenu de la faiblesse des taux d'intérêt, seul l'immobilier assure des rendements intéressants. Pour les fonds souverains, le logement remplace la rente pétrolière. On doit justement aller draguer les investisseurs internationaux, les grands fonds souverains d'Asie et du Moyen-Orient qui « matchent » (sic) les investisseurs européens traditionnels. Ces grands investisseurs amènent un nouveau regard et une nouvelle manière de fabriquer la ville, avec d'autres architectes à même de stimuler les architectes locaux. »
« Si nous réussissions à vendre le foncier à des investisseurs sans avoir à solliciter l'argent public pour combler les déficits d'opération, j'en serais le premier ravi. Car l'argent public n'est pas l'alpha et l'oméga de l'aménagement. Mais aujourd'hui, les terrains marseillais ne sont pas encore assez attractifs pour permettre de faire des bureaux, des logements mais aussi des espaces publics et des équipements. L'attractivité se construit en rendant les lieux appétissants pour les investisseurs. L'Etat et les collectivités devront évidemment faire des efforts. »
La charte ville-port
« La charte ville-port, c'est un état d'esprit. L'avenir de la ville concerne le port et l'avenir du port concerne la ville. C'est un jeu gagnant-gagnant. Je conçois qu'il y ait des discussions autour de l'avenir du J1. Il n'est évidemment pas question de déposséder qui que ce soit… Mais on ne peut pas continuer à regarder par dessus les grilles pour voir comment est la mer depuis la ville. Il faut renforcer notre capacité à élaborer une vraie stratégie d'ensemble. A Copenhague, on peut se baigner dans les eaux du port. A Hambourg, les quais sont un lieu de balade très prisé. »
* L'Etablissement public d'aménagement de la Défense Seine Arche (Epadesa) est l'établissement public qui pilote l'aménagement du quartier de la Défense au nord de Paris.