La transition numérique, l’ère du digital, le développement des smart data… Autant d’évolutions consubstantielles à nos économies modernes et qui bouleversent les pratiques et conditions d’exercice, la formation initiale et continue de nombreuses professions dont au premier chef les experts-comptables et les commissaires aux comptes.
Ce thème de la « transition numérique » était au cœur des débats et des échanges du 5e Congrès de la profession de l’audit, du chiffre et du conseil, organisé à la mi-juillet au Palais des congrès d’Antibes, par le Conseil régional de l’ordre des experts-comptables Marseille Paca et la Compagnie régionale des commissaires aux comptes Aix-Bastia.
Plus de 1000 professionnels ont assisté aux nombreuses tables rondes, ateliers et conférences-débats proposées pendant deux jours dans la cité des remparts avec, en arrière-plan, une question centrale : experts-comptables (ils sont 2000 dans la région) et commissaires aux comptes (environ 1100 en Paca et Corse) sont-ils au rendez-vous de la « transition digitale » ? « La réponse est nuancée, juge Lionel Canesi, le président du Conseil régional de l’ordre des experts-comptables Marseille Paca. Il y a les cabinets "offensifs" qui sont complètement passés au numérique et à la dématérialisation avec de nouveaux outils ; il y a les "réfractaires" qui tardent à s’engager, en raison, entre autres, des investissements matériels à consentir. »
« On peut parler de 4e révolution industrielle et nous sommes à plus de 50 % de la profession opérationnelle. Mais de nouveaux enjeux surgissent comme la sécurité des données des entreprises », souligne Farouk Boulbahri, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes Aix-Bastia.
Lame de fond
Cette transition digitale est-elle un motif d’inquiétude pour la profession ?
« Je ne le pense pas, poursuit Lionel Canesi, car elle a su parfaitement s’adapter aux évolutions technologiques successives depuis les bilans papiers avec l’informatique puis l’imprimante matricielle et les réseaux maintenant. La question à se poser est comment faire en sorte qu’elle soit à l’unisson dans les cinq ans et surtout, comment répondre aux attentes et aux besoins de nos clients qui sont confrontés aux mêmes enjeux ? »
Pour Jean Saphores, expert-comptable et commissaire aux comptes, expert reconnu de la transition numérique - il est à l’origine de la création du portail de télédéclaration « jedeclare.com » -, « la tendance vers le tout numérique est clairement engagée. Une première lame de fond s’est formée : l’automatisation de l’acquisition des données et la fin de la saisie manuelle. Depuis 2015, 100 % du fiscal avec le FEC (Fichier des écritures comptables, NDLR) est numérique. Demain, tout sera déposé en ligne. C’est une évolution qui doit rendre l’expert-comptable incontournable et doit l’inciter à être encore plus près de ses clients pour renforcer son rôle de conseil. »
Les structures devront toutefois être en mesure d’absorber les coûts de la transition numérique : 10 à 15 000 euros d’investissements pour un cabinet de 5 à 10 collaborateurs et ces coûts peuvent monter à 30 à 40 000 euros avec les investissements induits. Ce sont des investissements importants qui peuvent être mutualisés mais qui peuvent aussi favoriser des rapprochements de structures. Autre questionnement : la marche vers le numérique représente-t-elle une menace pour l’emploi des collaborateurs ? « Les gains de productivité ont été rendus à nos clients et à nos collaborateurs mais nous n’avons pas détruit d’emploi » souligne Farouk Boulbahri.
Recherche de partenariats
Pour atteindre cet objectif de la transition numérique pour tous, experts-comptables et commissaires aux comptes misent sur la formation continue, plus que sur la formation initiale qui a parfois du « retard à l’allumage » : des partenariats sont noués avec des écoles et ils sont recherchés aussi dans le monde des start-up et de l’économie numérique pour que ces professions trouvent leur place auprès des start-up et les accompagnent. Des prestataires de services émergent également pour fournir aux experts-comptables et aux commissaires aux comptes les outils et les moyens de la dématérialisation (numérisation des factures, automatisation du traitement des données comme par exemple de la lecture de facture à l’écriture comptable).
Restent les enjeux de sécurité et de protection des données, une question particulièrement sensible chez les commissaires aux comptes. « L’or noir de demain, c’est la smart data et la protection des données des entreprises est au cœur de nos missions, assure Farouk Boulbahri. Le passage au numérique fait que nous travaillons beaucoup sur cette question de la cybersécurité avec nos partenaires. »