C'est un engagement écologique fort mais pas encore rentable qu'a pris Eurovia en s'engageant, il y a une dizaine d'années, dans le recyclage de matériaux de construction et de l'industrie. S'il en produit 8 millions de tonnes par an, ces matériaux recyclés lui coûtent 30 % de plus à générer, compte tenu des traitements nécessaires, et sont vendus en moyenne 20 % moins cher. Il entend sortir de ce paradoxe avec une stratégie présentée le 9 février sur sa carrière de Châteauneuf-les-Martigues et le 10 à Fréjus.
« Nous voulons que l'activité devienne bénéficiaire en doublant notre production, explique Colin Bessait, directeur régional d'Eurovia (Vinci). Le volume provenant de décharges sauvages est estimé sur le territoire à 2,2 millions de tonnes par an, la majorité constituée de déchets du BTP. C'est un vrai fléau auquel nous apportons une solution moins coûteuse que l'apport en décharge publique. Notre société Mat'ILD, à Gardanne, contribue à la dépollution de la deuxième plus grande décharge sauvage de France, sur l'Arbois, près de la gare TGV d'Aix. Nous investissons pour faciliter et maîtriser la collecte et garantir, par notre référentiel, nos techniques et notre traçabilité, la qualité de ces matériaux de ressources secondaires. Demain, nos matériaux comprendront une part recyclée sans que ça se voit. Nous les vendrons au même prix que les matériaux naturels de carrière. »
Passer à 25 % de matériaux recyclés
Actuellement, dans la région, Eurovia produit 1,7 million de tonnes de sables et graviers recyclés à partir de 3,3 millions de tonnes de déchets du BTP récupérés (le solde est valorisé en aménagement de carrières). Avec 40 % de parts de marché, il est leader dans le domaine. Les matériaux recyclés représentent 30 à 40 millions d'euros de chiffre d'affaires, sur un chiffre d'affaires régional de 150 millions d'euros, grâce à une cinquantaine de sites, 470 salariés et 8,1 millions de tonnes de granulats commercialisés (sables, graviers, ballasts, enrochements…). L'objectif est d'atteindre 3,4 millions de tonnes en 2030. Le groupe espère que les maîtres d'ouvrages soutiendront cette mutation en obligeant à l'utilisation de produits de recyclage dans leurs cahiers des charges.
« Nous voulons afficher une vision d'économie de la ressource naturelle », insiste le directeur régional. « En 2020, nous étions à 21 % de matériaux recyclés dans notre production totale. Dès 2022, nous voulons atteindre les 25 % », confie Benoit Weibel, animateur de « Granulat + », la marque d'économie circulaire d'Eurovia. Les sites estampillés « Granulat + » reçoivent les déchets minéraux d'une ou plusieurs des huit filières suivantes : travaux publics, terres, sédiments de dragage, mâchefers, bâtiment, enrobés, industrie, ferroviaire.
Investissements conséquents
Employant 72 salariés pour une production annuelle de 2 millions de tonnes, la carrière de Châteauneuf-les-Martigues, créée en 1973 par Jean Lefebvre, fournit pour 50 à 60 % des matériaux de qualité physique et chimique à ArcelorMittal (1,2 million de tonnes) et Imerys (80 000 tonnes). En 2019, 4 millions d'euros ont été investis pour servir ce marché.
Sur la partie « recyclage », c'est en 2017 que 4 millions d'euros ont été affectés à la réalisation d'une installation de lavage. Aujourd'hui, le site accueille 250 000 tonnes de déblais inertes du BTP qu'il stocke et trie sur des plateformes dédiées : 175 000 tonnes donnent des granulats recyclés, 75 000 tonnes servent au réaménagement paysager de la carrière. « Nous sommes actuellement dans une procédure de demande de renouvellement pour 30 ans », indique le directeur d'exploitation Marc Inglebert, qui espère que les efforts de préservation de la ressource naturelle contribueront à la pérennisation du site.
A Fréjus, l'objectif d'Eurovia est de passer de 60 000 tonnes de granulats recyclés actuellement à 130 000 tonnes.