« Les architectes n’ont pas attendu cet été et cette rentrée pour se préoccuper d’environnement », revendique Corinne Vezzoni, nous livrant même une histoire qui dépasse la simple anecdote, remontant à 2017. « Lors d’une émission de radio sur France Info intitulée "Moi président" au cours de laquelle il fallait donner une idée, j’avais répondu que je rendrais la France inconstructible ! Une provocation destinée à faire changer le regard et à inciter chacun à se concentrer sur les lieux déjà carbonés pour construire plutôt que de chercher de nouveaux terrains… » Cette anticipation du Zéro artificialisation nette (ZAN) d’aujourd’hui (applicable en 2050 même si tout le monde semble s’affoler dès à présent…) lui a valu une sollicitation de l’Elysée et du président nouvellement élu, Emmanuel Macron. « Je suis allée quatre à cinq fois à l’Elysée pour parler de cela au cours de son premier mandat, notamment en compagnie de l’ancien préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pierre Dartout. C’était très intéressant de faire partager des expériences et des connaissances. »
Parmi les siennes, elle évoque l’exemple du lycée Simone Veil de Saint-Mitre à Marseille, et de son gymnase. D’une part Corinne Vezzoni n’a souhaité utiliser que la moitié du grand terrain agricole, laissant l’autre moitié pour un parc, d’autre part elle a montré à travers son projet que l’on peut superposer les usages avec intelligence tout en limitant au maximum toute minéralisation des sols. Pour économiser l’énergie, et plus globalement la planète, il est nécessaire selon elle de revenir aux « fondamentaux » : « Comment s’installer sur un terrain, comment contrôler le soleil, comment utiliser l’inertie de la pente, comme travailler en plateaux, en restanques, comment organiser la circulation de l’air… ? Tout ceci se décline sans pour autant tomber dans une posture dogmatique écologique. » Un véritable rapport charnel à la nature et aux éléments, dont elle prône les vertus et qui semble s’être perdu au profit de l’accès facile à la modernité, au chauffage, à la climatisation…
Réflexions prospectives
Si l’insertion paysagère de ses programmes lui tient particulièrement à cœur, érigeant cette maîtrise des éléments en marque de fabrique, le changement de paradigme dans la façon de penser, puis de construire lui semble inéluctable.
« Tout ceci infuse dans la société depuis un certain temps et en particulier chez les architectes qui sont des "éponges". Nous devons ressentir et anticiper les aspirations du monde, et les traduire dans l’espace. Une page se tourne, nous allons désormais vers autre chose qu’il faut imaginer jusque dans les matériaux. Je le perçois tous les jours dans mon travail, dans mon rôle d’architecte-conseil de la Ville de Lyon aussi. »
Un changement boosté par le cadre législatif d’obligations nouvelles, comme la RE 2020 (Réglementation environnementale qui succède à la Réglementation thermique 2012), mais dont la complexité entraînant une augmentation des coûts a notamment pour désagréable conséquence d’exclure nombre de primo-accédants s’agissant du segment logement. « Il est important dans ce contexte d’avancer sur des solutions d’habitations adaptables au fil de la vie, facilitant conjointement l’intergénérationnel », affirme-t-elle dans le cadre de ses réflexions prospectives.