Plus d'un mois après les terribles intempéries qui ont dévasté les hautes vallées des Alpes-Maritimes, les priorités restent aux interventions d'urgence pour rétablir les réseaux (eau et assainissement) et désenclaver les communes, en réparant les routes ou en créant des accès provisoires. Dans la Vésubie, Saint-Martin-Vésubie et les villages de la vallée sont à nouveau accessibles par la RM 2565. Dans la Tinée, la RM 2205, coupée en amont du Bancairon (400 m de la 2x2 voies ont été emportés par les flots), a pu rouvrir fin octobre avec l'aménagement d'une plateforme et d'une piste puis prochainement d'une chaussée provisoire. Un chantier, piloté par la métropole Nice Côte d'Azur, qui consiste à rétablir le lit de la Tinée et à reconstituer l'infrastructure en rive droite.
La Métropole s'active également pour mettre en service des systèmes d'assainissement temporaires et pallier la destruction de huit stations d'épuration. Des unités mobiles de traitement ont été installées à Roquebillière, Saint-Martin-Vésubie, Clans, Valdeblore et Lantosque.
Appel à l'armée
Dans la vallée de la Roya, la plus gravement touchée, avec une dizaine de ponts, les accès au tunnel de Tende emportés et de fortes incertitudes sur la possibilité future de rétablir cette liaison alpine, la situation reste précaire. Notamment pour Tende, Saint-Dalmas et La Brigue, partiellement enclavés et encore sans eau potable (Tende). A tel point que les élus et le président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes, Charles Ange Ginésy, ont demandé à l'armée d'intervenir à nouveau. « Alors que les services du Département travaillent à la réalisation d'une voie de communication terrestre entre Breil et Tende, les moyens lourds du génie militaire seraient d'un grand secours pour accélérer un chantier au long cours », a écrit Charles-Ange Ginésy au Premier ministre.
Une visite sur place des autorités a eu lieu le 12 novembre. L'objectif du Département est de relier à nouveau d'ici fin décembre Breil et Tende par une voie de désenclavement provisoire, cheminant à gué en l'absence des ponts emportés et sur des pistes. Un chantier particulièrement difficile dans cette vallée étroite, notamment au niveau des gorges de Paganin où se déroulent actuellement les interventions. Le Département, qui a constitué une mission spéciale au sein de ses services et qui est intervenu jusqu'à présent en régie ou par le biais de marchés à bons de commandes, vient d'attribuer un premier marché de travaux dans le cadre de la procédure « d'urgence impérieuse ».
Les aides de l'Etat attendues
Un groupement de sept entreprises locales, mobilisées sur le terrain dès le début des intempéries, va être engagé avec de nouveaux moyens lourds pour désenclaver les villages et les hameaux de la Roya.
Les collectivités attendent aussi avec impatience l'aide financière de l'Etat, face à une catastrophe chiffrée à plus de 2 milliards d'euros sur les infrastructures et équipements publics. Un montant largement au-dessus de leur capacité d'intervention budgétaire. « Pas un euro d'aide d'Etat n'a encore été versé. Les territoires sinistrés ont besoin que la solidarité nationale s'exprime et se traduise par des engagements précis dans le budget de l'Etat », lance Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et conseiller départemental qui a tenté de faire adopter un amendement pour que soient inscrits 500 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2021.
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Pour les dégâts sur les biens privés et notamment les habitations, les assureurs les ont chiffrés pour l'heure à plus de 250 millions d'euros. Grâce à la « cellule bâtimentaire » de la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer) des Alpes-Maritimes, qui a reçu le concours d'architectes du département, des architectes de l'urgence, d'ingénieurs bénévoles, etc., la situation de plus de 2000 bâtiments dans 15 communes sinistrées a pu être examinée dans un délai très court.
Etude hydrologique du Cerema
Objectif : fournir une première classification des bâtiments en situation de péril (416 sur les 2000 évalués). Résultats : 106 destructions complètes, 174 bâtiments avec des dommages et sans accès, 136 avec des dommages modérés. Les communes les plus touchées sont Saint-Martin-Vésubie, Tende, Breil, Roquebillière, Fontan et Saorge.
Ce lourd bilan indique que tout ne pourra être reconstruit, que des sites ne pourront plus être occupés et qu'il faudra trouver des solutions pour mettre en sécurité les habitants et les activités... « A partir de la compréhension du phénomène qui a frappé ces vallées, il faut mener une réflexion collective pour définir un modèle urbanistique en mesure d'interagir avec le changement climatique », analyse Arnaud Reaux, vice-président du conseil régional de l'ordre des architectes de Paca. « Un épisode climatique d'une telle ampleur montre que les stratégies du tout endiguement pour protéger les populations et les biens ne peuvent être une solution », ajoute Patrice Maurin, directeur du département risques naturels au Cerema Méditerranée.
L'établissement public, qui a réalisé de nombreuses missions dans les vallées dès les premiers jours qui ont suivi les intempéries (observations et mesures des glissements de terrain, notamment à Roquebillière, inspections subaquatiques des ouvrages d'art, reconnaissance de pistes, etc.) est en train de mener, à la demande de l'Etat, une étude hydrologique et géologique sur les bassins versants du Var et de la Roya. Réalisée avec plusieurs partenaires, utilisant des données satellitaires, elle va notamment servir à évaluer les débits des crues et les périodes de retour pour la prise en compte future du risque dans la phase de reconstruction. Cette étude doit être achevée en fin d'année.