La perte de la gestion des documents d'urbanisme était l'un des chiffons rouges agités par les maires opposés à l'intégration métropolitaine autour de Marseille. Jusqu'au 1er janvier 2016, l'élaboration du Plan local d'urbanisme (PLU) restait une prérogative des maires de cinq des six groupements intercommunaux fusionnés au sein de la métropole Aix-MarseilleProvence. Depuis 15 ans, en revanche, les édiles des 18 communes de la communauté urbaine MarseilleProvence Métropole (MPM) avaient appris à composer avec l'échelon intercommunal, les PLU étant une compétence obligatoire des communautés urbaines. Depuis 2000, une forme de gouvernanceurbanistique à double détente s'était instaurée au sein de MPM. Soucieux de donner des gages aux maires rétifs à toute castration politique, ces derniers avaient gardé la main sur leurs plans d'urbanisme. Pourtant contraire à l'esprit intégrateur insufflé par le législateur, ce Yalta avait même été gravé dans le marbre d'une délibération votée fin 2002. Instigué par Jean-Claude Gaudin*, ce texte stipulait que la communauté urbaine MPM se refuserait de passer outre si une de ses communes membres s'opposait à la modification de son PLU. Dans la pratique, cela revenait à transformer l'Etablissement public de coopération intercommunale (EPCI) en une simple chambre d'enregistrement des décisions prises par les maires. En dépit de son caractère parfaitement baroque au regard des textes, Jean-Claude Gaudin avait fait de cette concession un gage de son refus de tout hégémonisme de la ville centre sur le fonctionnement de la structure née dans la douleur en 2000.
La métropole rebat les cartes
Avec l'entrée en scène de la métropole AMP, les cartes sont rebattues. Confirmant les évolutions engagées avec la loi Engagement national pour l'environnement (« Grenelle II ») du 12 juillet 2010, la loi pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) du 24 mars 2014 avait déjà posé un premier jalon intégrateur en instituant le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) comme la règle dans toutes les intercommunalités compétentes en matière d'urbanisme. Cette mesure explique que la communauté urbaine MPM se soit engagée la première dans l'élaboration de son PLUI dès le mois de mai 2015. Ce document remplacera les documents en vigueur dans les 18 communes de l'ex-MPM : 13 PLU et 5 POS (Plans d'occupation des sols). Pour les cinq autres agglomérations, le transfert est prévu à partir du 1er janvier 2018. En clair, les conseils de territoire, instances qui ont remplacé les agglos au début 2016, devront lancer la mise en œuvre d'un PLUI à l'échelle de leur territoire dans six mois.
Le conseil de territoire Marseille Provence en avance
En avance sur ses homologues, le Conseil de territoire Marseille Provence (CTMP, successeur de MPM) a franchi la première étape du processus en adoptant fin 2016 son Projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Epine dorsale du futur PLUI, ce document fixe comme objectifs d'accueillir 55 000 habitants et de construire 58 000 nouveaux logements d'ici à 2030 (au minimum sur le territoire de MPM). Ville centre, Marseille capterait évidemment l'essentiel de cette croissance avec 45 000 nouveaux habitants et 46 000 logements neufs d'ici 2030 (soit 5 000 logements/an). Pour développer cette offre nouvelle, le CTMP compte privilégier le renouvellement urbain et la densification : le PADD prévoit en effet de limiter à moins de 40 hectares par an l'extension urbaine sur le territoire d'ici 2030 (5 ha sur Marseille). 90 % des logements neufs devront ainsi être réalisés dans le tissu existant.
En matière économique, le document assigne comme objectif d'accueillir 65 000 emplois nouveaux d'ici 2030. Mais cette croissance devra se réaliser en articulation avec les autres politiques, notamment la politique de l'habitat. « Il faudra mettre en cohérence développement économique et résidentiel », précise le PADD. Comme pour le logement, ce développement économique devra éviter la surconsommation foncière : il s'agit de préserver le foncier économique, « notamment pour l'économie productive », et « limiter le développement des projets commerciaux hors des pôles existants ».
Sur le plan de la mobilité, le PADD s'inscrit dans l'air du temps en prônant le renforcement des lignes de Transports en commun en site propre (TCSP) et leurs pôles d'échanges. Au-delà de cette ambition en phase avec l'agenda de la mobilité métropolitaine, le CTMP entend rompre avec les pratiques passées avec trois principes forts : « mieux articuler urbanisation et niveau de desserte », « mettre en adéquation stationnement et mobilités » et enfin, « réduire l'offre de stationnement en centre-ville pour l'adapter à la demande réelle ».
* Le sénateur-maire de Marseille était également à l'époque président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole.
Retrouvez l'intégralité de notre dossier consacré à l"urbanisme des intercommunalités de la région dans le numéro 1189 de TPBM (parution le 5/07/2017).
Un document très réglementé
Le contenu du PLUI est réglementé par le Code de l'urbanisme. A l'instar de tous les autres plans locaux d'urbanisme, celui du CTMP s'articule autour de plusieurs documents :
- Un rapport de présentation expliquant les choix retenus, à partir d'un diagnostic du territoire. Il comprend également une évaluation environnementale.
- Un Projet d'aménagement et de développement durable (PADD). Document politique, il est la pièce maitresse du PLUI, fixant les objectifs et les grandes orientations du projet en matière de développement économique et social, d'environnement et d'urbanisme.
- Des Orientations d'aménagement et de programmation (OAP), exposant la méthode adoptée par MarseilleProvence pour mettre en valeur, réhabiliter, restructurer ou aménager certains secteurs de son territoire.
- Le règlement écrit et les documents graphiques. Ils fixent les règles d'utilisation du sol à l'échelle des zonages du PLU : urbaines (U), à urbaniser (AU), agricoles (A) et naturelles (N).
- Des annexes, intégrant d'autres documents dont les règles s'imposent aux PLU et des documents informatifs.