TPBM : Qu'est-ce que l'efficacité énergétique ?
Michaël Denis : L'efficacité énergétique, c'est optimiser la production d'énergie pour répondre à une demande globalement en croissance. Elle prend notamment en compte les énergies alternatives et intermittentes (photovoltaïque, éolienne), dont les pics de production sont en décalage avec les pics de consommation. La transition énergétique est le sujet de convergence entre les secteurs de l'énergie, du bâtiment et des technologies de l'information et des communications (TIC). En France, le bâtiment est le secteur le plus consommateur d'énergie (44%). Par ailleurs, il produit près d'un quart des émissions de CO2. C'est le premier chaînon d'une solution globale et durable. Après une première étape qui a consisté à superposer les nouvelles sources d'énergies au bâtiment, la transition énergétique entre dans une nouvelle phase qui consiste à rendre les bâtiments et les énergies intelligentes. La capacité des bâtiments et des énergies à s'adapter aux besoins réels des utilisateurs requiert une convergence entre les technologies de l'information et des communications, les nouvelles technologies de l'énergie et les nouveaux systèmes de construction. Le bâtiment intelligent est l'unité de base d'où naîtra la ville intelligente ou smart city.
Quel est le poids de cette filière dans l'économie vauclusienne ?
Avec 5.800 établissements, 13.000 salariés, 1,5 milliard d'euros de travaux et plus de 2.000 élèves et apprentis formés par an, le secteur du bâtiment est le moteur de l'économie du Vaucluse. Au niveau régional, on dénombre 45.956 entreprises et 121.000 emplois salariés et non-salariés. Le marché de la rénovation énergétique du bâtiment en Provence-Alpes-Côte-d'Azur est estimé à près de 46 milliards d'euros, avec en moyenne 26.000 mises en chantier de logement et 1,5 million de m² de locaux par an sur les 10 dernières années. La région Paca se classe première région de France pour le solaire, deuxième pour la surface forestière, troisième pour le gisement éolien et la puissance hydroélectrique.
Le sous-sol du Vaucluse est riche en matériaux de construction, minerais, bois et autres matériaux biosourcés. Le département assure à lui seul 10% de la production nationale de gypse. 920.000 tonnes de gypse sont extraites annuellement dont 800.000 tonnes sur la carrière de Mazan exploitée par Siniat (ex-Lafarge plâtres) et 120.000 tonnes sur la carrière de Beaumes-de-Venise exploitée par Ciments Calcia pour le gypsage du ciment (leader français du ciment). Le département du Vaucluse est le 4e producteur français de silice avec 9% de la production nationale via Sifraco et Saint-Gobain. 37% du territoire du Vaucluse est couvert de forêt. Dans le Luberon, un parc à bois destiné à valoriser le cèdre comme bois d'œuvre dans le bâtiment a été réalisé. Les autres matériaux biosourcés valorisables dans le secteur de la construction sont le chanvre (production locale de laine naturelle de chanvre pour l'isolation), la paille de lavande (valorisation comme isolant), les ocres du Luberon (valorisation du patrimoine industriel et des savoir-faire traditionnels liés à la production de l'ocre et à la mise en œuvre des pigments dans le bâtiment).
La filière de l'isolation et de l'étanchéité est très bien représentée en Vaucluse avec Saint-Gobain Isover, Isoltop, Soprema, Synersol, Mirbat, Kaefer Wanner, Sotrex, La Chape liquide, Sitex isolation, Parex Lanko, Everest isolation, Dreyer, GW Isolation, Isotherman, Deltisol, Isovation, Reso et d'autres encore.
Dans le Sud-Est de la France où de grands projets de centrales biomasses accaparent déjà une grande partie de la ressource forestière, la filière de la biomasse agricole apparaît comme la principale ressource mobilisable. Parmi cette ressource, on peut citer les sarments de vigne (Avignon, Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, Vallée du Rhône méridionale, Luberon…), l'arboriculture fruitière, les pépiniéristes, les coproduits de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire.
La Provence accueille 30% de la capacité de production de la microélectronique française avec ses grands groupes et ses pépites (STMicroelectronics, Gemalto, IDcapt). Certaines des technologies les plus avancées dans le photovoltaïque sont développées en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Quel peut être l'avenir de cette filière ?
La région Paca s'affirme comme la région où s'imaginent, s'expérimentent et se développent les énergies du futur. Historiquement, ce sont d'abord l'hydroélectricité et les énergies fossiles qui ont été les moteurs de l'économie régionale. Plus récemment, la région est devenue leader de la production d'énergie solaire photovoltaïque. Aujourd'hui, s'y développe l'ensemble des énergies qui constitueront le mix énergétique de demain.
C'est bien grâce aux intelligences présentes sur le territoire et à une fertilisation croisée entre des secteurs économiques de pointe (microélectronique, optique, technologies de la mer) que les grandes révolutions énergétiques du futur se préparent ici. Iter** demeure la plus grande coopération internationale autour d'un projet de recherche sur la fusion nucléaire. Megasol compte parmi les grandes plates-formes françaises d'expérimentation des centrales solaires photovoltaïques et thermodynamiques. Premio fut le premier Smart Grid en Europe. Au CEA de Marcoule, tout proche du Vaucluse, le futur réacteur de fission nucléaire Astrid sera développé.
La région concentre les compétences internationales autour de l'énergie. Collaborations internationales entre laboratoires de recherche, entreprises, centres de formations sont nées de cette dynamique. Les collectivités publiques accompagnent avec des démarches incitatives et des investissements colossaux qui créent de nouveaux marchés pour les entreprises et de nouveaux emplois pour les Vauclusiens.
* Nous avions déjà interviewé Michaël Denis dans le cadre de ce zoom consacré au département du Vaucluse, mais sur la filière aéronautique dont il a également la charge. Pour relire cet entretien, c'est par ici