Depuis ce 15 octobre, les propriétaires bailleurs du centre ville de Marseille doivent déposer une demande de permis de louer. Cette mesure prévue par la loi ALUR est l'une des premières déclinaisons de la stratégie de lutte contre l'habitat indigne et insalubre mise en place par la métropole Aix-Marseille Provence au lendemain du drame de la rue d'Aubagne.
Après Châteaurenard et Gardanne, la cité phocéenne est la troisième commune des Bouches-du-Rhône a instaurer ce sésame administratif afin de tenter d'assainir le marché locatif privé gangrené par les marchands de sommeil.
Lire aussi : Martine Vassal dégaine son armée du salubre
2 550 résidences principales
La mesure concerne pour l'instant le quartier de Noailles (1er arrondissement), quartier populaire proche de la Canebière qui a vu deux immeubles s'effondrer le 5 novembre 2018, tuant huit résidents et leurs proches. « Le périmètre englobe 2 550 résidences principales et près de 400 habitations potentiellement concernées chaque année », indique la métropole AMP. « Le choix de ce quartier repose sur une proportion significative de logements potentiellement indignes, d'un taux important de propriétaires bailleurs privés (80%) disséminées dans des copropriétés présentant des signes de fragilité ou de désorganisation, et d'une faible présence de bailleurs sociaux (4% des résidences principales) », indiquait la délibération adoptée à l'unanimité par les 240 élus métropolitains en février 2019. Dans le projet partenarial d'aménagement (PPA) signé en juillet 2019 avec les collectivités (AMP, département, ville), les agences nationales (Anah, Anru) et la Caisse des dépôts, l'Etat de son côté recense 1 588 logements locatifs privés sur un parc de 2 226 résidences principales dans ce quartier avec un taux de rotation élevé (25%, soit 390 logements/an).
Si l'impact et l'efficacité de la mesure sont vérifiés, la collectivité envisage d'étendre le permis de louer à d'autres secteurs géographiques.
Amendes possibles
Les propriétaires bailleurs devront déposer un formulaire accompagné de diagnostics techniques obligatoires à l'Espace accompagnement habitat, guichet unique créé par la collectivité. Durant l'instruction de la demande, une visite du logement sera alors effectuée par un technicien à la suite de laquelle l'autorisation sera, soit délivrée, soit soumise à condition de réaliser des travaux de mise en conformité, soit rejetée si des désordres sont constatés. Cette autorisation devra être annexée au bail. Les bailleurs mettant en location un logement sans demande d'autorisation préalable ou suite à une décision de rejet encourent une amende de 5 000 à 15 000 euros.
La mesure suscite des réserves. Les associations de propriétaires privés craignent qu'elle n'ait un effet malthusien sur le marché locatif. L'opposition de gauche regrette au contraire que la mesure ne soit pas mise en place sur un territoire plus large que le seul secteur de Noailles. Ces élus rappellent que près de 1 200 ménages (soit 2 800 personnes) ont été évacués en urgence de leur logement situé dans l'un des 330 immeubles du centre-ville déclarés inhabitables pour suspicion de péril imminent ou de périmètre de sécurité.
Enfin, les spécialistes de l'immobilier estiment qu'elle aura une portée limitée, les marchands de sommeil et une partie des locataires captive du parc social de fait étant par nature adepte du marché noir de la misère. Une situation qui les rend rétifs à tout passage sous les radars réglementaires. Et qui pose la question des moyens de contrôle que devront déployer les pouvoirs publics pour déceler les dérives...